Notre ami René Plé nous a quittés. Il était Président d'honneur de l'ANACR et le doyen des Résistants français. Évoquer sa vie, c'est évoquer un homme qui a su conserver, jusqu'au bout, une dignité et une gentillesse dont nous pouvons tous, nous qui l'avons connu, porter témoignage.
René est né à Paris en juin 1909 non loin du Jardin des Plantes à l'emplacement de l'actuelle mosquée de Paris. Enfant, pendant la Grande Guerre, il entend tonner le canon allemand non loin de la capitale. Il remarque l'affolement des gens dans les rues alors que l'ennemi est tout proche. Cette présence de l'ennemi que l'on entend mais que l'on ne voit pas le marquera profondément.
Il apprend bientôt le métier de menuisier et se spécialise dans l'ébénisterie. Au début des années 30, il fait son service militaire à Brest. La ville et sa région lui plaisent tout de suite. Quand la crise touche de plein fouet l'économie française à partir de 1931, c'est à Brest qu'il vient s'installer car il se dit qu'il y sera mieux pour y trouver du travail. Il rencontre une jeune conquétoise qui devient bientôt son épouse.
A partir de 1935, il participe à la création du Comité antifasciste de Brest dont il devient secrétaire. En effet, les violences anti-parlementaires du 6 février 1934 à Paris ont fait prendre conscience à la gauche française qu'elle doit se rassembler. Les comités antifascistes sensibilisent la population aux méfaits et aux dangers de l'extrême-droite, quelle que soit sa forme ou son appellation. René assure une permanence au Comité antifasciste et y joue un rôle très actif. C'est ainsi qu'en 1938, à l'appel des organisations de gauche, il participe à Landerneau, avec de nombreux camarades brestois, au charivari organisé pour accueillir comme il se doit le Colonel De la Rocque. L’occasion est trop belle de montrer au fondateur des Croix-de-feu ce que l'on pense de ses idées. Le visage de rené Plé s'éclairait de malice à l'évocation du crachat qu'il avait lancé en direction du colonel, lors du banquet auquel assistait celui-ci.
En mai-juin 1940, c'est la débâcle et, malgré l'envie d'en découdre, son régiment est fait prisonnier sans combat dans la Somme. René fait alors partie de ces milliers de soldats français conduits sous bonne escorte en Allemagne. La main d’œuvre gratuite est bientôt utilisée au déchargement des wagons de marchandises en provenance de France, produits du pillage organisé par les Nazis. Après une première tentative d'évasion avortée, René réussit à déjouer l'attention de ses gardiens et, muni de la fameuse petite boussole qu'il s'est fabriquée à leur insu, il réussit à s'évader et, sans se faire remarquer, en marchant de nuit, à regagner la Belgique puis la France.
Pas question de retourner à Brest. Il sait qu'il est connu des services de Vichy et que les séides du gouvernement sont efficaces dans la chasse aux ennemis de l'intérieur. Il part donc s'installer près de Mâcon où son épouse vient le rejoindre. Les contacts avec la Résistance locale sont rapidement pris. Il entre au réseau combat. Pendant plusieurs mois, René est chargé du balisage des champs d'atterrissage et de décollage des avions venant d'Angleterre. C'est dans ces circonstances que le hasard lui fait rencontrer Raymond, Lucie Aubrac et leur fils quittant la France le 8 février 1944 pour éviter l'étau allemand qui se resserre sur eux. Il n'apprendra que plus tard l'identité du couple. En effet, on ne devait pas connaître l'identité des personnes. Comme le disait René « il ne fallait prendre aucun risque » car, arrêté par la Gestapo, on pouvait craquer...
Pendant les combats de la Libération, il prend le maquis.
Après la guerre, il s'installe quelques années en Afrique noire. Les bois précieux d'Afrique lui permettent de consacrer à la sculpture une partie de son temps. De jolies formes féminines apparaissent sous ses mains. Mais aussi des animaux, des enfants...René a offert la plus grande partie de sa collection au village de la région de Mâcon qui l'a reçu et hébergé pendant la guerre. De cette riche collection, il conservait un album de photos qu'il aimait feuilleter et montrer à ceux qui venaient lui rendre visite.
Il y a peu, René recevait de jeunes collégiens du secteur de Brest venus écouter son témoignage de la guerre et de la Résistance. C'est avec un sourire communicatif qu'il racontait à ses auditeurs et ses ami(e)s les anecdotes de sa vie. Ses yeux pétillaient de malice à l'évocation de certains de ses souvenirs. Rien dans son attitude, dans la qualité de sa parfaite mémoire, ne trahissait le très vieux Monsieur qu'il était. Toujours heureux de rencontrer ses camarades, toujours disponible pour témoigner, c'est un homme qui a aimé la vie qui nous a quittés.
Si Charles de Gaulle a dit que la vieillesse est un naufrage, notre ami René Plé, jusqu'à la fin de sa très longue vie, ne lui aura pas donné raison.
Brest, le 6 septembre 2012
PS: un hommage sera rendu à René Plé lors de la 5ème randonnée de la Résistance organisée par L'ANACR et les Ami(e)s de la Résistance le 16 septembre, dans le cadre des Journées du Patrimoine (RDV à 10h30 à la gare de Brest).
Charles Paperon Michel Madec
Président de l'ANACR et Ami(e)s de la Résistance professeur d'histoire
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