-ANACR du FINISTÈRE-


La Bretagne sous l'Occupation. Un émouvant documentaire de Philippe Guilloux

LE TELEGRAMME
Mis en ligne le 17 juin 2019
Le réalisateur carhaisien Philippe Guilloux a choisi un angle original pour aborder, dans son nouveau documentaire, le sujet de l’Occupation en Bretagne. Le film, qui fait l’objet dès ce mardi 18 juin d’une imposante tournée bretonne (*), s’appuie en effet sur les photos prises par des soldats allemands…
Le point de départ du neuvième long-métrage du réalisateur carhaisien Philippe Guilloux, "1939-1945, la Bretagne sous l’Occupation", fut une conversation avec le collectionneur de cartes postales gourinois Christian Le Corre. Ce dernier venait de mettre la main sur 130 albums de photos prises par les Allemands durant l’Occupation en Bretagne. « Ces photos que les soldats expédiaient à leurs familles en Allemagne garnissaient d’épais albums parfois ornés de croix gammées, souligne Philippe Guilloux. Hitler encourageait le fait que les soldats, avec leurs photos personnelles envoyées à leurs familles, témoignent de leurs avancées et de leur occupation victorieuse des pays conquis ».

" Ces photos montrent aussi une proximité avec la population
qui peut paraître assez étonnante "

Mélange de témoignages, d’archives, de reconstitutions diverses et de fiction, le documentaire s’attache à présenter le quotidien de l’Occupation en Bretagne. « C’est ce qui m’intéressait le plus, admet le cinéaste. Pas le regard historique, mais plutôt des souvenirs, le ressenti de ceux qui ont vécu cette période ». Ce qui frappe, dans les nombreuses scènes capturées par les soldats du IIIe Reich, est la manière dont ceux-ci montrent avant toute chose la vie quotidienne des populations occupées. « Les soldats n’avaient pas le droit de photographier les installations militaires. On y voit donc plutôt des sorties en bord de mer, une fête de village, un marché, etc. Mais aussi des églises, des calvaires, des femmes portant la coiffe… Ce point de vue des soldats allemands m’a beaucoup intéressé parce qu’il donnait un regard différent de l’occupant. Ces photos montrent aussi une proximité avec la population qui peut paraître assez étonnante », estime Philippe Guilloux.

De grands témoins bretons

Si le réalisateur disposait, grâce aux photos prises par les soldats, de la vision de l’occupant, il lui manquait toutefois celle de l’occupé. Ces deux dernières années, il a donc cherché des témoignages forts de gens qui ont vécu cette période, à l’image de Simone de Bollardière. Cette dernière, connue pour être la femme du général (qu’elle a rencontré à la Libération), intervient ici comme témoin des bombardements de Nantes qui ont détruit la maison familiale. Elle raconte ainsi le quotidien de l’Occupation dans les villes. Parmi les autres témoins, le Centre-Breton Jean Hourmant, l’un des plus jeunes résistants de France, ou encore Georges Ménage qui, après le discours de capitulation du Maréchal Pétain, a décidé de partir en Angleterre avec une quarantaine de ses copains.
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Le cinéaste n’a toutefois pas voulu se limiter aux gens actifs dans le milieu de la Résistance. Certains témoins, à l’image d’Anne-Marie Capp, du Cap-Sizun, ou Marcel Roparz, de Carhaix, y racontent leur quotidien pendant l’Occupation. Bien qu’ils fussent très jeunes à l’époque, certains de leurs souvenirs demeurent extrêmement prégnants. Le film donne aussi la parole à deux historiens, Erwan Chartier et Christian Bougeard, spécialiste de l’Histoire de l’Occupation en Bretagne.

Sans atténuer les difficultés de cette période, le film montre que l’Occupation n’a pas seulement été le théâtre d’épisodes sanglants ou de bombardements… « Le début de l’Occupation, notamment, n’a pas été aussi redoutable qu’attendu. La population s’attendait à voir débarquer des rustres qui allaient se servir sans payer. Or beaucoup, selon les témoignages, se montraient polis et payaient leurs consommations dans les cafés. De fait, on ne ressent pas une hostilité telle qu’on pourrait se l’imaginer à partir de certains films de guerre ».
La partie fictive du film met en scène un Allemand qui réside aujourd’hui à Carhaix (Finistère), le réalisateur ayant souhaité mixer les témoignages avec certaines scènes de fiction inspirées de lettres collectées ou de cartes postales. « J’ai trouvé à Carhaix ce résident allemand qui a bien voulu jouer le rôle d’un vieux monsieur, Günther, qui avait pris de nombreuses photos alors qu’il faisait partie des troupes d’occupation, explique Philippe Guilloux. 50 ans plus tard, la vision de ces documents le plonge dans ses souvenirs ». Le film, présenté en avant-première à Carhaix le 25 mai dernier, a suscité beaucoup d’émotion dans la salle.

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(*) Philippe Guilloux participe à une série de lancements du film : ce mardi 18 juin à 20 h 30 au Bretagne à Saint-Renan (29), le 19 juin à 20 h 30 au Vulcain à Inzinzac-Lochrist (56), le 20 juin à 20 h 30 au Club à Locminé (56), le 21 juin à 20 h 30 à l’Argoat à Callac (29), le 22 juin à 19 h au Ti Hanok à Auray (56), le 24 juin à 18 h au Rex à Pontivy (56), le 25 juin à 20 h 30 au Sévigné à Cesson-Sévigné (35), le 26 juin à 20 h 30 au Quai 56 à Guer (56), le 27 juin à 20 h 30 à La Couronne à Nivillac (56), le 29 juin à 18 h à Ciné Armor à Pleurtuit (35), le 30 juin à 18 h au Duguesclin à Cancale (35), le 3 juillet à 20 h au cinéma Jeanne-d’Arc à Gourin (56), le 4 juillet à 20 h 30 à L’Image à Plougastel-Daoulas (29). Le film sera aussi projeté le 19 juin à 20 h 30 au ciné Roc à Guémené-sur-Scorff (en l’absence du réalisateur). Une autre tournée sera organisée dans les salles à la rentrée de septembre et le film sera diffusé sur les chaînes de télévision locales à la fin de l’année