Cérémonie en hommage à l'équipage du Lancaster JB 139 ''Dark Victor'' - Lundi 5 août 2019
Allocution de François Cadic, maire de Douarnenez
Mesdames et Messieurs les Elus,
Mesdames et Messieurs les Représentants des autorités civiles, militaires et religieuses,
Mesdames et Messieurs les Représentants des Associations patriotiques,
Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
C'est avec une certaine émotion que je m'adresse à vous à l'issue de cette bénédiction que je remercie sincèrement le Père Le Roux d'avoir célébrée.
Certains d'entre vous connaissent mon intérêt pour l'histoire et l'aéronautique.
Au-début des années 1990, avec quelques passionnés, membres des associations "Histoire et Collection" et "Conservatoire Aéronautique de Cornouaille", nous avons effectué des recherches sur ce fait de guerre que constitue le crash du "Dark Victor" en baie de Douamenez le 5 août 1944. Nous avons ainsi pu nouer des relations avec les survivants comme avec les familles des militaires décédés au cours du crash. A l'époque, j'étais loin d'imaginer que 30 ans plus tard ou presque, je présiderai une cérémonie en mémoire de l'équipage de ce bombardier, en qualité de maire de Douarnenez.
L'équipage du "Dark Victor" était composé du pilote, le Flying officer Donald Cheney, du navigateur, le Pilot officer Roy Welch, du bombardier, le Flight Sergeant Len Curtis, du mécanicien, le Flight Sergeant Jim Rosher, du radio, le Flight Sergeant Reginald Pool, des mitrailleurs, le Warrant officer Ken Porter et le Pilot officer Noel Wait.
Malgré leur jeune âge, entre 21 et 23 ans, ces militaires étaient aguerris : ils comptaient chacun plus de 30 missions. A de nombreuses reprises, ils ont bravé le danger pour pilonner les positions allemandes. Des jeunes hommes que nous ne connaissions pas et qui ne nous connaissaient pas, mais qui combattaient pour libérer la France, pour nous libérer.
Leur courage, leur sang-froid, le sacrifice suprême que représente la perte de la vie pour Reginald Pool, N oel Wait et Roy Welch, forcent le respect et l'admiration. Et notre éternelle reconnaissance.
Parce qu'il est important que nous soyons en mesure de continuer à nous souvenir, je vais rappeler cet évènement du 5 août 1944 qui survient alors que les combats pour la Libération de Douamenez ont débuté la veille.
Ce 5 août 1944, donc, quinze Lancaster du 617 Squadron de la Royal Air Force, dont le "Dark Victor", décollent de la base de Woodhall Spa dans l'est de l'Angleterre, avec pour objectif la base sous-marine de Brest.
Au cours de cette mission, le bombardier est touché par des tirs de batteries antiaériennes allemandes. L'aile droite est rapidement en feu. Victimes d'éclats de tirs d'obus, Roy Welch et Reg Pool sont gravement blessés. Donald Cheney tente bien un retour à Wood.hall Spa, mais les dégâts sont trop importants. Il n'a d'autre alternative que de donner l'ordre d'abandonner l'appareil.
Roy Welch, Jim Rosher et Len Curtis parviennent à quitter le Lancaster par une issue de secours à Pavant. Incapable de se mouvoir par ses propres moyens, Reginald Pool a été équipé d'un parachute puis poussé hors du bombardier par Donald Cheney qui sera le dernier à sauter par une trappe d'évacuation située au¬dessus du cockpit. Les deux mitrailleurs Ken Porter et Noel Wait ont pu, eux, s'extraire par une porte latérale, à l'arrière de l'appareil.
Privé d'équipage et proie des flammes, le "Dark Victor" s'abîmera en baie de Douamenez.
Des sept membres d'équipage, trois seront malheureusement retrouvés morts : Roy Welch, Reginald Pool et Noel Wait. Nous sommes réunis ce matin devant leur tombe, voisine de celle de Jean Marin, porte-parole de la France Libre à Londres ; Yves Morvan à l'état-civil, décédé le 3 juin 1995.
Donald Cheney sera rapidement récupéré en mer sur le bateau "Ar Menuzar" par un groupe de volontaires,
mené par Albert Doaré, venu à sa rencontre après avoir échappé à la vigilance de l'occupant. Ce groupe était composé de François Bonjour, Corentin Buisson, René Le Bihan, André Morvan, Théophile Quéré et Marcel Stéphan.
Donald Cheney sera ensuite pris en charge par la famille Québriac et assistera, caché, à la Libération de Douarnenez où il restera jusqu'au 22 août.
Ken Porter qui touchera le sol à Keratry, non loin du Juch, et Jim Rosher, à Kerscao en Plonévez-Porzay, seront réunis au maquis de Tréfry à Quéménéven, avec l'aide des FFI. Ils y resteront jusqu'au 16 août.
Moins heureux, Len Curtis sera capturé par l'occupant à sa sortie de l'eau à Sainte Anne La Palud. Il ne sera libéré que le 18 septembre après la reddition des troupes allemandes de la presqu'île de Crozon.
En 1994, à l'occasion du so= anniversaire de la Libération de la ville, mais également du crash du "Dark Victor", Donald Cheney, Ken Porter et Jim Roscher sont venus à Douarnenez, accompagnés de membres de leurs familles. Les deux canadiens avaient effectué une première visite un an auparavant, quelques jours après la découverte, par un bateau de pêche, d'un morceau du train d'atterrissage du Lancaster. Belle coïncidence !
Puis en 2014, nous avons accueilli les familles pour une nouvelle cérémonie d'hommage, à l'occasion du 70ème anniversaire. Comme en 1994, ce furent des instants émouvants et solennels, marqués par la remise par les familles de l'équipage du Lancaster à la Ville d'un tableau de Mark Postlethwaite, représentant les derniers instants du "Dark Victor" au-dessus de la baie de Douarnenez. Ce tableau, vous pourrez le voir tout à l'heure, à l'hôtel de ville, à l'entrée de la salle du Conseil municipal.
Donald Cheney et Ken Porter étaient canadiens, leurs 5 compagnons, britanniques.
Nous sommes plusieurs ici à avoir rencontré et échangé avec trois d'entre eux, Donald Cheney, Jim Rosher et Ken Porter, et à être restés en contact avec les familles dont des représentants sont parmi nous :
- Madame Janice Cheney, fille de Donald Cheney, et sa compagne,
- Madame Sheila Rosher, et Monsieur Derek Roscher, enfants de Jim Rosher,
- Monsieur Michael Wait, frère de Noel Wait, accompagné de son épouse et de leurs enfants,
- et Monsieur Paul Curtis et Monsieur et Madame Cary Curtis, fils de Len Curtiss.
Chers Amis canadiens et britanniques,
Votre présence à Douamenez ce 5 août témoigne de la force des liens qui se sont créés entre nous, en particulier avec les familles de celles et ceux qui ont porté secours et protégé les rescapés dans les jours qui ont suivi le crash.
Votre présence témoigne aussi de la force des liens qui demeurent, et qui résistent à l'usure du temps et aux aléas des relations entre la France et ses pays libérateurs.
Enfin, votre présence témoigne de notre volonté commune de perpétuer la mémoire des membres de l'équipage du "Dark Victor", et à travers eux, la mémoire de l'engagement des forces alliées en faveur d'un monde libre.