Roger Priol, qui s’est éteint, le 11 juillet 2019, à l’âge de 96 ans, était surtout connu pour ses actions dans la Résistance.
Son papy a fait de la Résistance. La vraie, celle où des copains tombent et où la frousse noue les tripes. Il y a peu Roger Priol a passé l’arme à gauche, laissant son petit-fils Gildas dans une peine immense, mais légataire d’une histoire d’humanisme qu’il colporte et étend à toutes celles et ceux qui portaient la bravoure en étendard il y a presque 80 ans. Au point de devenir une référence. Pas mal pour un autodidacte.
C’est un Brest crevé, un Brest abasourdi, un Brest déchiré, où le pont sur la Penfeld est éventré, dans lequel rentre Roger Priol, un jour de septembre 1944. Un Brest dont il ne verra même pas la rive gauche, inaccessible. Un Brest martyrisé, un Brest brisé, un Brest outragé, mais un Brest libéré après le siège de fureur et d’acier.
À cette époque, son petit-fils Gildas n’est même pas une promesse pour cet homme qui s’en revient de la libération de Saint-Renan, où sa participation est couverte de sang, de sueur et de larmes. Il racontera plus tard deux souvenirs à son entrée dans la ville cassée. « Il évoquait les paysages lunaires à l’approche du fort Montbarrey, mais aussi la puanteur extrême. Il faut dire que les Allemands avaient stocké du bétail en ville pour soutenir le siège et que les bêtes avaient été tuées dans les rues. Et comme il n’avait pas plu, cet été-là… », rembobine son petit-fils. Gildas Priol est devenu, en autodidacte, un spécialiste de la période 39-45 à Brest. (Le (Télégramme/Steven Le Roy)
Une anecdote en forme d’étincelle
Attablé place Guérin, Gildas Priol parle toujours avec la même faconde et la même passion de cette époque tourmentée, même si le bleu lui colore l’âme en ce début de soirée estivale. Il y a peu, l’homme dont il a partagé les dernières années, ce grand-père adoré est parti voir là-haut si les maquisards menaient encore la révolte. « Il y a six ans, j’ai choisi de vivre à côté de lui, à Plougonvelin », avance-t-il, « il y avait une petite bicoque à côté de la sienne, un petit truc ».
Un camp de base où « j’ai posé mes guêtres » pour marcher sur les pas de la Résistance et de son héraut (héros ?) familial, Roger. Un camp de base pour aller collecter photos et anecdotes entourant la constellation des braves du Ponant qui se sont opposés à l’occupant, et refaire les marches entre Plougonvelin et Locmaria-Plouzané, entre Brest - Saint-Pierre et Saint-Renan.
« C’est Roger qui m’a transmis le goût pour cette époque. Moi, je ne suis pas historien, mais je me souviens des histoires les jours de fête familiale. Des petits trucs toujours un peu rigolos comme le soir où il a poussé dans le talus, à Plougonvelin, un soldat allemand bourré qui le menaçait à la baïonnette ».
Roger Priol, qui a fait partie de la Résistance dès 1940, a assisté jusqu’à la fin aux cérémonies patriotiques, notamment à Plougonvelin, dont il était devenu le doyen. (Gildas Priol)
Mais celui qui vit de tout autre chose, et qui n’a jamais mis une traître fesse sur un siège universitaire, est aujourd’hui devenu tout à fait incontournable dans la narration et la défense des Résistants du coin. Bien sûr, il a fait ce livre familial à la demande de son aïeul qui savait bien « que ça me ferait chier que ce qu’on a fait avec les copains soit oublié ». Comme la nuit où ils ont attendu, sur un champ de Locmaria, le ravitaillement en armes qu’ils ne savaient même pas tenir. Comme le jour de 44 où il a dû se carapater parce que le réseau du Grand Turc, son donneur d’ordre dans la Résistance, tombait. « À l’époque, partir de Plougonvelin à Plouzané à pied ne faisait peur à personne » Une humanité à restaurer Tous les dimanches, après les frites, « pendant une heure ou une heure et demie, parfois plus », ils ont refait la route vers le petit resto oublié de Saint-Renan où l’on parlait sous le manteau, comme la maison où l’on pouvait écouter Radio-Londres. De fil en aiguille, il a constitué le réseau de son grand-père, est allé voir des gens, a bu des cafés, a interviewé.