Ouest-France du 19 juin 2020 Tout ce que vous ne savez pas sur l’appel du 18 Juin Propos recueillis par Sacha MARTINEZ
Le 18 juin 1940, le général de Gaulle lance son appel à la résistance sur les ondes de la BBC, depuis Londres. Un fait marquant de l’histoire du XXe siècle, qui cache de nombreux secrets. Entretien avec l’historien Laurent Douzou, professeur émérite à Sciences Po Lyon.
Dans quel contexte historique s’inscrit l’appel du 18 Juin ?
Il s’inscrit dans le contexte de la débâcle de 1940. À ce moment-là, il y a un débat au sein du gouvernement français pour savoir s’il faut capituler face à l’ennemi nazi. Finalement, c’est le camp de l’armistice qui l’emporte. Et le 16 juin, le maréchal Pétain est nommé président du Conseil. À ce moment-là, le général de Gaulle n’est plus rien.
Est-ce une surprise que cet appel à la résistance ait été prononcé par Charles de Gaulle ?
Le général Spears, un émissaire de Winston Churchill, le Premier ministre britannique, sonde les anciens du gouvernement français pour faire venir quelqu’un à Londres. Il fait chou blanc. Le seul qui accepte de venir, c’est justement Charles de Gaulle. Le 17 juin à 9 h 30, celui-ci embarque dans un avion pour l’Angleterre. À 12 h 30, Philippe Pétain donne sa célèbre allocution dans laquelle il sollicite l’armistice auprès de l’adversaire. Et l’après-midi même, de Gaulle est reçu par Churchill. À ce moment-là, le Premier ministre britannique est déçu. Il s’attendait à avoir un personnage plus prestigieux. Mais il n’a pas d’autre choix que d’accéder à la demande de Charles de Gaulle. Il accepte de le laisser passer le lendemain sur les antennes de la BBC.
Pourquoi le discours n’a-t-il pas eu un grand retentissement dans les premiers jours qui ont suivi sa diffusion ?
Pour plusieurs raisons. D’abord, le discours a été enregistré à 18 h, mais n’a été diffusé qu’à 22 h. Autant dire qu’en France, peu de monde a écouté la radio anglaise si tard. Le discours a bien été publié dans la presse le lendemain. Mais de la même manière, son impact a été très limité dans les premiers jours. En réalité, les Britanniques avaient encore espoir que l’armistice n’ait pas lieu. Et puis à ce moment-là, Charles de Gaulle n’est personne. Il n’a aucun mandat. D’ailleurs, il se présente comme « le général de Gaulle, actuellement à Londres ».
Comment expliquez-vous qu’il n’ait repris la parole que le 22 juin ?
Dans son allocution, le général de Gaulle dit qu’il reprendra la parole le lendemain. Mais il n’avait jamais posé la question à Winston Churchill. Et son premier passage avait déjà fait l’objet d’un débat. Alors les Britanniques ont temporisé jusqu’à ce que l’armistice soit signé le 22 juin. Et à ce moment-là, le discours de Charles de Gaulle a pris un tout autre sens. Il est devenu le symbole de la Résistance française.
Qu’est-ce qui fait que l’appel du 18 Juin est devenu le symbole de la Résistance ? La plupart des gens ne connaissent pas le contenu du discours. Il est très court, assez ramassé et il n’existe aucun enregistrement original. Mais qu’importe. L’appel du 18 Juin offre au Général de Gaulle le privilège de l’antériorité. Il est le premier et le seul à avoir dénoncé l’armistice et appelé à la résistance. Ce discours devient à lui seul un lieu de mémoire. Il se résume à : la France a perdu une bataille mais pas la guerre.
Churchill reconnaît alors Charles de Gaulle comme chef des Français libres. Et naît la coopération entre les Britanniques et la France Libre. Il crée un point de fixation dans l’histoire. D’ailleurs, quand on parle de l’appel du 18 Juin, pas besoin de donner l’année. On sait d’autorité qu’il s’agit de 1940.
Il y a eu un autre discours le 18 juin 1940, celui de Winston Churchill, le Premier ministre britannique. Quel impact ont eu ces discours dans l’histoire ?
Le discours prononcé par Winston Churchill, le 18 juin à la BBC, est celui de « la plus belle heure ». Ainsi, le 18 juin n’a pas été seulement celui de l’appel français à la résistance. Mais aussi celui du Royaume-Uni à poursuivre la bataille envers et contre tout. Ensemble, ces deux discours ont changé le cours de la Seconde Guerre mondiale. C’est une chose extrêmement rare, voire unique dans l’histoire.