A Châteaubriant, le cri des fusillés résonne toujours.
un article d'Ouest-France sur Châteaubriant, la cérémonie- souvenir 80 ème anniversaire des fusillés à la carrière de Châteaubriant, mémoire de la Résistance.
Serge ADRY, président du Comité local de Châteaubriant, vous invite à venir nombreux à cette commémoration.
Yves MAZO
Secrétaire de l'ANACR du Finistère
Il y a 80 ans, le 22 octobre 1941, 27 résistants, dont Guy Môquet, 17 ans, étaient exécutés par les nazis après désignation par le gouvernement de Vichy. Découvrez chaque jour le feuilleton que leur a consacré l’écrivain et journaliste Pierre-Louis Basse.
Qu’y faire ?
Pour les 27 de Châteaubriant, comme pour le dernier poème de Missak Manouchian et ses camarades de l’Affiche rouge ; pour Gabriel Péri, comme pour Politzer, d’Estienne d’Orves ou Bertie Albrecht ; pour l’ultime sourire de Sophie Scholl et les décapités de la Rose blanche ; pour tous ceux et celles qui ont vécu à en mourir, c’est toujours la même supplique qui s’impose, quand nous voulons les regarder avec le plus de justesse possible.
Et je vous le dis ce matin : cette fierté de pouvoir les accompagner, comme bras dessus bras dessous, dans ce journal qui n’a pas eu 100 ans par hasard.
Faut-il, sans perdre de temps, rappeler au lecteur qu’au moment de forcer le corps robuste et mince de Guy Môquet dans le cercueil quelques heures après le crime, c’est à grands coups de barre de fer que le bourreau nazi, Kristucat, fit le travail. Il ajoutait, vociférant dans les caves du château de Châteaubriant : « Kommunist, pas Français. »
Quelques bonimenteurs, lesquels n’aiment rien tant que refaire l’histoire en fonction de l’époque qui les gouverne, n’y peuvent rien : la supplique nous vrille les tympans de toute sa vérité, sa beauté, son impérieuse nécessité, quatre-vingts ans après le crime. Oui, j’entends encore la voix du philosophe,
résistant, Vladimir Jankélévitch : « Ceux qui ont disparu à tout jamais n’existent plus que par nous et dans la pieuse fidélité de notre mémoire ; si nous perdions leur souvenir, ils n’existeraient plus du tout. Le passé, comme les morts, a besoin de nous ; il n’existe que dans la mesure où nous le commémorons (...). Nous parlerons donc de ces morts, de peur qu’ils ne retombent, comme disent les chrétiens, dans le lac obscur, de peur qu’ils ne soient à jamais engloutis dans le lac des ténèbres. »
Camp de Choisel, en 1941. Parmi les détenus on distingue (debout) Jules Auffret (3e en partant de la droite), Guy Môquet (5e en partant de la droite) et Marc Bourhis (6e en partant de la droite), qui seront fusillés le 22 octobre 1941. © L'Humanité/Keystone France
Enfant, je m’étais habitué à cette image collective du grand sacrifice : les 27 de Châteaubriant, Guy Môquet, Jean-Pierre Timbaud, Claude Lalet, Jean Poulmarc’h, le député Charles Michels, le jeune violoniste de Concarneau Marc Bourhis instituteur de Trégunc, Pierre Guéguin ancien maire de concarneau et tous les autres, avaient eu une heure à peine pour se dire au revoir. Ils quittèrent la vie, mais ce sont les autres qui pleuraient de rage et de douleur. Rarement hommes avaient respiré jusqu’au bout, avec tant de force et de générosité.
Imaginez la scène de notre histoire : les assassins étaient bons Français des ministères et désignèrent, les uns après les autres, des types qui avaient mouillé la chemise en 1936 pour que la vie des humbles fûts moins dure. « Parmi les détenus, prenez les plus dangereux », osa le sous-préfet Lecornu.
Oui, imaginez la scène : jusqu’au Conseil des ministres de Pétain, c’est un ministre d’État, Romier, qui reproche à Pucheu sa servilité : « Vous n’aviez pas à faire un choix. Vous n’aviez pas à prendre parti. Il fallait laisser aux Allemands la responsabilité de ce massacre. Vous la partagez désormais. »
Pour Vichy et leurs supporters – lesquels ne tarderaient pas à reprendre le flambeau