Résistants et Ami(e)s de la Résistance
ANACR du Finistère
« Si l’écho de leurs voix faiblit, nous périrons. »Paul Eluard
Mont-Valérien 17 septembre 1943
Brest 17 septembre 2021
Aux 19 FTP F de Brest fusillés le 17 septembre 1943 au Mont Valérien
Hommage des Résistants et Ami(e)s de la Résistance du Finistère
Pendant les temps noirs de l’Occupation « seule la classe ouvrière dans sa masse aura été fidèle à la France profanée » écrit François Mauriac.
L’historien Xavier Vigna dit« l’ouvrier en 1945 est le héros de la Résistance ».
Ici, à Brest, les ouvriers que nous honorons aujourd’hui, furent en effet l’honneur de leur ville.
Ils sont cheminot, forgeron, électricien, maçon-cimentier, ajusteur. C’est une élite, une aristocratie ouvrière à la haute conscience politique. Albert Rannou est un ancien des Brigades internationales, il est teniente, c’est à dire lieutenant à la XIV ème brigade. Il écrit : « Je suis allé en Espagne parce que là-bas se jouait le sort de la France, et que l’Espagne républicaine vaincue, c’était la guerre pour notre pays. »
Les 19-les 20 que nous honorons ici, une femme Marie Salou devrait avoir son nom inscrit - étaient des combattants de la Liberté. Ils étaient des FTPF c’est à dire des Francs-tireurs et partisans français, bras armé du Front national pour l’indépendance et la libération de la France, animé par le parti communiste clandestin, dont tous étaient membres.
Pour la Résistance l’année 1943 est une année terrible. En Bretagne- les FTP ont gardé dans leur organisation la Bretagne à 5 départements- sous les coups conjoints des forces de répression de la police de Vichy, dont sa redoutable SPAC spécialisée dans la chasse aux communistes, et des forces de répression de l’occupant nazi, des coupes sombres se font dans leurs rangs.
Un événement marquant, le 9 septembre 1942, à Nantes, un commando FTP- Louis Le Paih de Nantes et Eugène Le Bris de Lanriec libère Raymond Hervé dans le bureau du juge d’instruction Le Bras. Au cours de l’opération ce dernier est abattu.
La traque des FTP sera terrible et redoutablement efficace.
En janvier 1943 s’ouvre à Nantes au palais de justice, devant un tribunal militaire allemand, un des plus grands procès de l’Occupation. C’est le procès des 42. 42 FTP-45 en fait- comparaissent pour sabotages, attentats contre l’armée allemande, diffusion de journaux interdits...37 condamnations à mort. Les exécutions commencent avant l’expiration du délai de grâce. Parmi les condamnés à mort, des Finistériens.
Toujours à Nantes, en août 43, procès des 16-16 FTP- 15 condamnations à mort dont une femme, Denise Ginollin.
En lien avec la traque de Raymond Hervé et d’Eugène Le Bris, en lien avec ces procès, ici à Brest, dès l’année 42, des coups très durs sont portés à la Résistance. Des policiers français dont le tristement célèbre commissaire Soutif de Quimper, procèdent à près de 250 arrestations de Résistants, décapitant ce mouvement de lutte et privant les jeunes qui s’engageront lors du débarquement d’un précieux encadrement. En fuite, deux combattants exceptionnels, Jules Lesven, Pierre Corre, seront repris et fusillés près du Mans en juin 43.
Nous les associons à cet hommage, ainsi que Carlo De Bortoli, condamné à mort et fusillé à Paris dès août 1942
Ceux que nous honorons ici, connaîtront les prisons de Brest de Rennes, de Fresnes à Paris. Après les avoir abominablement torturés-ce que j’ai pu souffrir par eux, vous ne le saurez jamais écrit Albert Abalain à ses parents- les policiers français les remettent à la justice militaire allemande. A Paris, le 28 août 1943, une cour martiale prononce 20 condamnations à mort.
La seule femme condamnée, Marie Salou, ouvrière, mère d’une petite Andrée, elle dont le mari a rejoint la France Libre, sera déportée, reviendra de déportation, retrouvera Brest, et une longue vie militante.
Les 19 combattants de la Liberté sont exécutés le 17 septembre 1943 au Mont Valérien.
Là où, le 10 décembre 1941, les 11 courageux combattants du Groupe Elie étaient fusillés.
Le Groupe Elie, le Groupe Abalain, 30 Résistants de Brest, ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas, tombaient au même endroit, pour le combat qui les réunissait tous, la Libération de leur pays.
Et en septembre 1943, quand le sang des fusillés coule dans la clairière du Mont Valérien, la victoire est en marche.
En France, à Paris, le 27 mai 1943, a lieu un événement majeur.
17 clandestins sont réunis. L’un d’eux est Jean Moulin. Il vient de réussir l’unification de la Résistance . Sont représentés, 8 mouvements de Résistance dont le Front national pour l’Indépendance et la Libération de la France, 6 partis politiques dont le leur, devenu PCF, 2 syndicats. Ce jour là, sous la présidence de Jean Moulin, est créé le Conseil National de la Résistance. Et ce conseil se place sous l’autorité du général de Gaulle. Ce 27 mai la France qui combat reprend sa place au sein des Alliés et les Alliés progressent sur tous les Fronts.
1943, c’est le grand tournant. Sur terre, sur mer, dans les airs, nos Alliés- la Grand-Bretagne, les Etats-Unis, l’Union Soviétique- avancent vers la victoire : Stalingrad, la bataille de l’Atlantique qui est la plus grande bataille navale de l’Histoire...Un 2ème Front se prépare à l’Ouest. Et la Corse se libère.
Dans moins d’un an, le 25 août 1944, Paris sera « libéré par lui-même ». A la tête de l’insurrection parisienne, le brestois Henri Rol-Tanguy, colonel FTP.
Dans un an, le 18 septembre 1944, Brest, leur ville tant aimée, sera libre.
Ces combattants de l’armée de l’ombre nous ont laissé leurs dernières lettres. Toutes sont belles, pleines d’amour, pleines d’espoir et de l’idéal qui les animait. La dernière d’Albert Abalain est un vrai testament politique.
« Mes chers parents, soyez à la grandeur de l’idéal pour lequel je donne ma vie...j’ai la certitude que nous sortirons victorieux du combat auquel nous ont contraint les fascistes.
Vraiment, la mort paraît douce quand on songe au bonheur que connaîtrons les tout petits grâce à nous. ..partout les peuples vivront dans l’abondance, libres et égaux en droit, sans distinction de race. »
Ils meurent en héritiers de la révolution française, en héritiers de 1789, de la prise de la bastille, de la nuit du 4 août et de l’abolition des privilèges, de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août. Oui, tous les Hommes et les Femmes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Non, les nazis n’ont pas effacé 1789 de l’Histoire. Des hommes et des femmes de tous horizons se sont levés au nom de notre République, au nom de sa devise si chère à notre coeur à tous, Liberté, Egalité, Fraternité.
Chers combattants de la Liberté, faire vivre votre mémoire est l’hommage que nous vous devons pour la République rétablie, pour la solidarité, la justice sociale, l’Europe en paix.
Vous êtes dans nos coeurs à jamais.
« Nous avons aimé nos héros, nos martyrs,
Nous les nommons nos seuls juges.
Ils sont à la grandeur des plus hauts rêves de demain. » Paul Eluard
Anne Friant-Mendrès
ANACR-29
Pôle Jean Moulin-réseau MRN
« La voie la plus courte pour l’avenir est toujours celle qui passe par l’approfondissement du passé. »
Aimé Césaire 26/06/1913-17/04/2008
le 17 septembre 2021
Aux FTP-FFI de la rue Coat-ar-Guéven, Marcel Cousquer, Alfred Jameau, Jean-Pierre Gourlaouen, fusillés le 8 août 1944. A Pierre Cariou.
A Anna, Marie Anne Stéphant, née Saouzanet à Esquibien.
Ce 18 août 1944, c’est le siège de la forteresse de Brest. Les Alliés américains sont aux portes de la ville. Quatre années de guerre, 4 années d’occupation, de bombardements, ont vidé la ville.
Sur ordre, les combattants de Brest ont rejoint les unités FFI ou FTP-FFI à l’extérieur de la ville.
Pas tous. Un cheval de Troie est à l’intérieur de la forteresse assiégée.
Marc, le capitaine FTP Joseph Berger, père du tout jeune André Berger fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943, est à la tête d’un groupe de 12 hommes, 12 combattants qui harcèlent l’ennemi et mènent une guérilla urbaine.
Par chance, deux femmes viennent de quitter ce groupe pour combattre hors la ville, Marguerite Berger, sœur d’André, fille de Joseph, et Yvonne Ropars, sœur de Joseph Ropars, lui aussi un des 19 fusillés du 17 septembre 1943.
Dans ces conditions périlleuses, trahis ? dénoncés ? 4 des francs-tireurs qui regagnaient leur planque du 13 de cette rue Coat-ar-Gueven, tombent dans le piège qui leur était tendu. Leurs noms, Pierre Cariou, Marcel Cousquer, Alfred Jameau, Jean-Pierre Gourlaouen.
Pierre Cariou réussit à s’enfuir. Il sera fauché par des éclats d’obus le 8 septembre 44.
Marcel Cosquer, Alfred Jameau, Jean-Pierre Gourlaouen sont fusillés sur place.
C’est le 18 août 1944. Dans un mois Brest sera libérée. Cette victoire pour laquelle ils se sont tellement battus, victoire qu’ils ont tant espérée, victoire qu’ils ne verront pas.
A côté, au n° 14, a vécu une femme admirable, qui, elle non plus, n’a pas vu la victoire, Anna, Marie-Anne Saouzanet d’Esquibien, épouse Stéphant couturière.
Elle entre en 1943 à Défense de la France. Elle cache des armes, des tracts, des papiers. Elle est la mère courage qui accueille, nourrit, réconforte les jeunes Résistants du corps franc Action Directe.
Le 18 mars, sa nièce Noélie Jaouen et elle sont arrêtées et conduites pour interrogatoires, à l’école Bonne Nouvelle, siège de la sinistre Sicherheitsdienst, police nazie, dite Gestapo.
Anna subit d’innommables tortures. Elle est chaque fois ramenée au poste de police de la rue Kleber « dans un état comateux »*.
Leurs camarades d’Action Directe réussiront à faire évader sa nièce, mais pas elle.
Est-ce elle la femme aux jambes brisées par les tortionnaires, est-ce elle que l’on fusille au Bouguen le 8 juin 1944 ?
Notre coeur saigne de penser à toutes ces souffrances, à tous ces sacrifices.
Le courage de ces combattants nous bouleverse.
Nous leur disons toute notre tendresse, toute notre reconnaissance, pour cet amour de l’humanité, cet espoir en l’avenir, ces lendemains qui furent pour nous des lendemains de prospérité, de paix.
Hommage et Reconnaissance à vous, amoureux de la vie et de votre pays.
Faire vivre votre mémoire est l’hommage que nous vous devons pour la République rétablie, l’Europe en paix.
Anne Friant-Mendrès
* voir « Les clandestins de l’Iroise » tome IV René Pichavant
« Je trahirai demain. Pas aujourd’hui.
Aujourd’hui arrachez-moi les ongles, je ne trahirai pas.
Vous ne savez pas le bout de mon courage. Moi, je sais.
Vous êtes cinq mains dures avec des bagues ; vous avez aux pieds des chaussures avec des clous…
Je trahirai demain, pas aujourd’hui.
Demain.
Il me faut la nuit pour me résoudre.
Il ne faut pas moins d’une nuit pour renier, pour abjurer, pour trahir.
Pour renier mes amis.
Pour abjurer le pain et le vin.
Pour trahir la vie.
Pour mourir. »
Mariane Cohn, arrêtée à Annemasse avec un convoi d’enfants et fusillée à 23 ans le 8 juillet 1944