Il y a 50 ans disparaissait Albert Camus, né en 1913, en Algérie, d'une mère espagnole. En novembre dernier, M. Sarkozy qualifiait de "symbole extraordinaire" sa proposition de transférer au Panthéon les cendres du Prix Nobel 1957 de Littérature.
Comme on sait, une polémique a éclaté et de nombreux articles ont été publiés dans la presse sur la vie et l'oeuvre de l'auteur de "L'Homme révolté". Ce qui est moins connu et que notre Bulletin souhaite rappeler, c'est l'engagement d'Albert Camus aux côtés des Républicains espagnols après la Libération comme avant. Le 7 septembre 1944, il écrit très justement dans Combat sous le titre "Nos frères d'Espagne" : « Cette guerre européenne qui commença en Espagne, il y a huit ans, ne pourra se terminer sans l'Espagne. Déjà la péninsule bouge. On annonce un remaniement ministériel à Lisbonne. Et de nouveau la voix des républicains espagnols se fait entendre sur les ondes. C'est, le moment peut-être de revenir à ce peuple sans égal, si grand par le coeur et la fierté et qui n'a jamais démérité à la face du monde depuis l'heure désespérée de sa défaite. Car c'est le peuple espagnol qui a été choisi au début de cette guerre pour donner à l'Europe l'exemple des vertus qui devaient finir par le sauver. Mais à vrai dire c'est nous et nos alliés qui l'avions choisi pour cela. C'est pourquoi beaucoup d'entre nous depuis 1938 n'ont plus jamais pensé à ce pays fraternel sans une secrète honte. Et nous avions honte deux fois. Car nous l'avons d'abord laissé mourir seul. Et lors qu'ensuite, nos frères vaincus par les mêmes armes qui devaient nous écraser, sont venus vers nous, nous leur avons donné des gendarmes pour les garder à distance. Ceux que nous appelions alors nos gouvernants avaient inventé des noms pour cette démission, ils la nommaient, selon les jours, non intervention, ou réalisme politique. Que pouvait peser devant des termes si impérieux le pauvre mot d'honneur ? Hier à la radio de Londres, ses représentants, ont dit que le peuple français et le peuple espagnol avaient en commun les mêmes souffrances, que des républicains français avaient été victimes des phalangistes espagnols comme les républicains espagnols l'avaient été des fascistes français et qu’unis dans la même douleur ces deux pays devaient l'être demain dans les joies de la liberté. Qui d'entre nous pourrait rester insensible à cela ? Et comment ne dirions-nous pas ici aussi haut qu'il est possible, que nous ne devons pas recommencer les mêmes erreurs et qu'il nous faut reconnaître nos frères et les libérer à leur tour ? L'Espagne a déjà payé le prix de la liberté. franquiste et sa passion pour la liberté. Personne ne peut douter que ce peuple farouche est prêt à recommencer. Mais c'est aux Alliés de lui économiser ce sang dont il est si prodigue et dont l'Europe devrait se montrer si avare en donnant à nos camarades espagnols La République pour laquelle ils se sont tant battus. Ce peuple a droit à la parole. Qu'on la lui donne une seule minute et il n'aura qu'une seule voix pour crier son mépris du régime. Si l'honneur, la fidélité, si le malheur et la noblesse d'un grand peuple sont les raisons de notre lutte, reconnaissons qu'elle dépasse nos frontières et qu'elle ne sera jamais victorieuse chez nous tant qu'elle sera écrasée dans la douloureuse Espagne. ».
Extrait de: Bulletin d'information de l'Amicale des Anciens Guérilleros Espagnols en France (F.F.I).
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