Grégoire Kauffmann, ici à Quimperlé, devant ce qui était l’Hôtel de Bretagne durant la guerre. À travers l’histoire de sa famille, le chercheur a exploré les destins, les passions de cette période. (Le Télégramme/Roland Fily)
« Hôtel de Bretagne » : voici le récit unique d’un historien qui explore sans fard le passé et les passions d’une famille, la sienne, et d’une ville, Quimperlé, transfigurée par la guerre et l’Occupation. Le récit de Grégoire Kauffmann est traversé par d’inimaginables figures.
Ce mercredi 6 novembre, paraît « Hôtel de Bretagne. Une famille française dans la guerre et dans l’épuration » (Ed. Flammarion). L’historien Grégoire Kauffmann y décrypte le parcours de son grand-père, Pierre Brunerie, qui dirigea la Résistance, dans le secteur de Quimperlé, en 1944.
Votre récit retrace l’histoire d’un grand-père, un résistant, une image tutélaire et contrastée.
C’est un exercice émouvant. C’était un inconnu, ce grand-père. Il est mort quand j’avais 4 ans. J’en avais une image très fantasmée. Dans l’imaginaire familial, c’était la figure de la Résistance, notable quimperlois, s’étant couvert de gloire. Ça a été une rencontre. Via les archives familiales, j’ai trouvé d’innombrables documents, passionnants, concernant la période de la Résistance. Et quelque chose de très émouvant qui était la correspondance amoureuse de mon grand-père. C’est une très belle histoire d’amour. Avec Imelda, une jeune femme de Clohars, dont la famille fonde l’Hôtel de Bretagne. Je voulais raconter cette rencontre romantique. Les parents d’Imelda sont contre cette union. Mais contre la fatalité familiale, les convenances, ils se sont rebellés parce qu’ils étaient amoureux.
Ce grand-père, à 20 ans, a une certaine candeur, un enthousiasme. Puis, quand il va choisir, pour les beaux yeux d’Imelda, de s’engager dans l’armée. Il vit la campagne de France, en mai-juin 1940. Et on oublie souvent que c’est le théâtre d’une extraordinaire violence, d’une hécatombe dans les rangs de l’armée française. Ce spectacle du sang a été à l’origine de son absence d’illusions sur la nature humaine. Il campe déjà alors ce héros tout en raideur qui sera celui de la Résistance.
Le cheminement se fait par étapes vers la clandestinité.
À l’automne 40, il a déjà cette idée qu’il faut aller vers la revanche, « on n’a pas dit notre dernier mot ». Il y a déjà cette volonté de résister. Ensuite, dans l’armée d’Armistice à Toulouse, il s’engage dans un réseau de résistance. À cette époque, ils sont très minoritaires à faire ça. C’est encore le refus de la fatalité. Ça se fait par petits pas, des échanges de services, des informations. Il bascule dans la clandestinité quand il est recherché par la Gestapo, à Toulouse, fin 1943. À partir de là, il brouille les pistes. L’historien se retrouve bien embêté.
« Hôtel de Bretagne » est traversé par des personnages de romans.
La ville de Quimperlé nous dit alors quelque chose d’assez universel. Il y a des figures très marquées. L’industriel résistant de la onzième heure, en cheville avec les Allemands, qui ménage ses intérêts et ses relations avec la Résistance, le parfait collabo antisémite qui dénonce son propre beau-frère. L’Allemand Walter Rubsam, tortionnaire qui a traumatisé la mémoire quimperloise, un manipulateur qui avait son harem de jeunes Bretonnes. La jeune Odette qui bamboche avec les Allemands. Ces figures sont banalement humaines et pleines de passions et de contradictions. Les évènements prennent de court ces personnages.
Quimperlé réunit toutes les passions, les violences que les Français ont pu connaître durant l’Occupation.
Il y a deux formes d’épuration. L’épuration extrajudiciaire et l’épuration légale avec les cours de justice et chambres civiques. Dans les journées de la Libération, il y a eu des exactions, des règlements de comptes. Ce qui s’est passé à Querrien est insoutenable. Dans ce tout petit village, la violence se déchaîne. Toute une famille est exécutée. « Marie belles dents » est promenée dans une cage à cochon. Un exutoire collectif d’une violence longtemps contenue, liée à la présence de l’occupant mais aussi à des rivalités intercommunautaires et aux débordements de la Résistance. À Quimperlé, il y a une seule exécution sommaire. Celle de Fontaine. Pourquoi une seule et qu’est-ce qu’elle veut dire ? C’est le point de départ de mon livre. Autour de cette affaire, on retrouve tout le monde.
Grégoire Kauffmann, enseignant à Science Po Paris, viendra présenter son travail sur l’occupation, le 20 novembre à Quimperlé. (Le Télégramme/Roland Fily)
Signature à Quimperlé
Grégoire Kauffmann sera présent à la librairie « Les mots voyageurs », place Hervo, le 20 novembre à 19 h, pour une intervention puis une séance de dédicaces. « Hôtel de Bretagne », aux éditions Flammarion. 432 pages, 22 €.
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