Le chemin est long qui mène de la guerre à la paix.
1939-1945. La guerre la plus sanglante, la plus abominable que le monde ait connue. Plus de 60 millions de morts dont une majorité de victimes civiles. Mesdames Jeannette LAZ et Marie-Jeanne NOACH ont rejoint cet effroyable cortège des morts de cette Seconde Guerre Mondiale.
En temps de paix elles auraient eu le droit à la présomption d'innocence dont doit bénéficier tout accusé, elles auraient eu le droit à un procès qui eût permis à la défense de s'exprimer, à la vérité d'apparaître.
Mais nous étions en guerre et il n'en fut pas ainsi.
Aujourd'hui Scaër inscrit ces deux femmes dans sa douloureuse mémoire, mais en furent-elles jamais absentes?!
A Scaër, une mémoire déjà si lourde de sang et de larmes versés, le souvenir si présent de ces femmes et de ces hommes qui dirent non, prirent courageusement les armes, le temps venu de l'insurrection générale, pour combattre l'envahisseur nazi et libérer leur pays de la servitude.
Le peuple français ne sera pas un peuple d'esclaves.
Aujourd'hui, nous tous ici rassemblés, nous parlons dans la langue de notre pays. Les drapeaux qui flottent au fronton de notre mairie sont notre drapeau bleu-blanc-rouge- celui de la Révolution française, celui qui accompagna la 1ère Déclaration des Droits de l'homme et du Citoyen du 26 août 1789 déclarant dans son préambule que «tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits», et à ses côtés, le drapeau bleu aux étoiles d'or de l'Union européenne.
Monsieur le maire, vous avez été élu démocratiquement par les citoyennes et citoyens de Scaër ; vous n'avez pas été nommé par un gouvernement collaborant avec l'ennemi, ni tenu de bien servir ce dernier sous peine de révocation.
La devise Liberté Égalité Fraternité est redevenue la nôtre. Nos enfants vont à l'école, à temps complet, les locaux ne sont plus occupés par des soldats étrangers. Nous sommes soignés, nourris, nous n'avons plus de tickets de rationnement.
Et enfin, depuis 73 ans, nous vivons en paix!
Si le drapeau à croix gammée, noir de la cendre des crématoires et des villages incendiés, rouge du sang des millions de victimes, ne flotte plus, sinistre, menaçant, au-dessus de nos têtes, à qui le devons-nous?
A celles et ceux qui ont refusé d'effacer de l'Histoire les valeurs de la Révolution Française, aux Résistantes et Résistants, à l'armée de l'ombre se battant aux côtés de nos Alliés, aux soutiers qui préparaient aux heures les plus noires de notre histoire la libération de notre pays, au rétablissement de la République, les bases d'un nouveau pacte social de partage, de justice, de solidarité. Le programme du CNR du 15 mars 1944.
Égalité entre les citoyens, droit de vote des femmes-enfin!-droit à la santé, à l'éducation, à la culture, confiance en la jeunesse, nationalisation quand utile à tous…Respect et reconnaissance à toutes celles et ceux qui au plus noir de la nuit crurent que le jour se lèverait et que la vie serait plus forte que tout.
Hommage aux femmes. Nous leur devons, après tant de siècles de servitude, la précieuse conquête de notre indépendance, de notre liberté, de notre dignité. Dignité refusée, dignité rendue aujourd'hui à Mesdames Jeannette LAZ et Marie-Jeanne NOACH.
La République issue de la Résistance fit enfin des femmes des êtres majeurs égales des hommes. L'entrée au Panthéon de trois grandes figures féminines, Germaine TILLION, Geneviève de GAULLE-ANTHONIOZ, Simone WEIL, rappelle à tous les hommes de veiller au respect qu'ils doivent à leurs égales, rappelle à toutes les femmes de veiller à garder et exercer leurs droits, de veiller à maintenir la paix qui seule leur garantira la valeur la plus précieuse pour elles toutes: la vie.
Le chemin est long qui a mené à l'égalité et à la paix.
Scaër le 10 août 2018
Anne FRIANT-MENDRES pour ANACR29