Cette pièce de théâtre fait parler les âmes des déportés qui se trouvaient dans ce wagon. Elle sera jouée par la compagnie (Re)naissance Théâtre, dans le Mémorial des Finistériens, à Brest.
« À l’intérieur, on sent encore la présence des gens. C’est indescriptible… », murmure Frédéric Le Coze-Sarafian en fixant le wagon numéro 256331, dressé au milieu du mémorial du fort Montbarey, à Brest. Vestige des trains qui déportaient vers les camps de la mort, l’objet est lourd de significations.
Wagon 256331, c’est le titre qu’a choisi Frédéric Le Coze-Sarafia pour sa pièce qui se jouera les 29 et 30 juillet. Parce que « ce numéro, c’en est un parmi tant d’autres… »
Une rencontre, il y a un an, avec l’équipe de bénévoles qui s’occupe du fort Montbarey, et la découverte du wagon font germer l’idée d’une telle pièce. Lorsqu’il en visite l’intérieur, ce père de cinq enfants ressort secoué. « Je me suis demandé ce que les âmes de ces gens raconteraient. »
Sur une scène symbolisant le wagon, installée devant lui, ce sont les âmes des déportés qui vont parler dans la pièce Wagon 256331.
Jouée par des amateurs
Lors de l’écriture, le metteur en scène de 39 ans comprend vite qu’il « ne pourra jamais atteindre la réalité », impossible à saisir dans toute son horreur.
Un devoir s’impose alors : « Être le plus juste possible, l’improvisation ou une trop grande liberté d’écriture, c’était le risque de faire des erreurs. » Frédéric Le Coze-Sarafia s’attelle donc à un travail de témoignages de rescapés et d’historiens. Il imbrique ces derniers dans son récit. Comme cet extrait d’une scène de « On a besoin d’un fantôme », pièce de théâtre écrite clandestinement dans le camp de Terezine par Hanus Hachenburg, âgé de 13 ans.
« On a aussi inventé des choses, on s’en est réapproprié d’autres, raconte le metteur en scène. Par exemple les scènes sont entrecoupées d’un air de Donna Donna, que beaucoup de gens connaissent. Mais peu savent que c’est une métaphore de la déportation… »
Une autre particularité, la pièce est entièrement jouée par des comédiens amateurs de (Re) naissance Théâtre. « C’est une pièce dure à jouer symboliquement, encore plus pour des amateurs. »
Des passeurs de mots
« Nous ne sommes que des passeurs de mots, tient à préciser l’auteur de la pièce. Le spectateur comprendra qu’on enfile un costume. Je veux insister sur le fait que ce sont les vivants qui portent la parole des morts. » Avec un objectif : ne pas laisser filer la mémoire.
« C’est pour cela qu’on joue ici, indique-t-il. Venir voir ce spectacle permet aussi de connaître le mémorial. » Cette volonté de sensibilisation est saluée par Catherine Ferré-Jardinier, présidente de l’association du mémorial des Finistériens. « Il faut faire vivre ce lieu d’une belle façon, explique-t-elle. Sans le traiter qu’avec des larmes et des pleurs, mais avec respect. » Frédéric Le Coze-Sarafia hoche la tête. « C’est aussi une démarche citoyenne. »
Cette pièce est un hommage artistique au service de la mémoire. Elle résonne comme un écho à Elie Wiesel, prix Nobel de la Paix et déporté, qui écrivait : « Le corps n’est pas éternel mais l’idée de l’âme l’est. Le cerveau sera enterré mais la mémoire lui survivra. »
Représentations vendredi 29 et samedi 30 juillet, Fort Montbarey. 21 h 30. 9 €