La Défense Passive dans Brest
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Bernard Holley à Brest
" Un obus venait d’atterrir dans le salon "
"Brestois depuis 80 ans ", Bernard Holley a les yeux de ceux qui connaissent le prix du bonheur. Celui de la vie, tout simplement. Quand les bombes et les obus ont failli vous voler votre jeunesse, chaque jour pendant près de quatre ans, cela forge une personnalité.
" Au début de la guerre, je n’avais que 15 ans. Et je peux vous dire que je vois cette période comme la plus belle de ma vie ", sourit-il.
Pour le jeune photographe amateur, les premières heures de la guerre fournissent effectivement des occasions en or d’emprisonner l’histoire dans son boîtier magique, avant que l’horreur ne commence…
" Nous habitions avenue Gambetta, juste au-dessus de la gare… Nous étions aux premières loges !
" Les clichés défilent, en noir et blanc, comme un film passé au ralenti. Celui d’une époque de feu, de drames, de destruction.
La passion du jeune Brestois faillit d’ailleurs plus d’une fois lui coûter la vie…
" Mon père ne voulait pas descendre aux abris : autant être au-dessus qu’en dessous ! Un jour, lors d’un bombardement, j’étais à la fenêtre avec mon petit frère. Et puis, il y a eu un grand bruit : un obus venait d’atterrir dans le mur du salon ! " Soixante ans plus tard, le petit carnet de notes qu’il gardait dans la poche de sa veste témoigne encore du bout de métal qui aurait pu lui transpercer la poitrine…
Un enchevêtrement de pierres et de ferrailles
A 18 ans, appelé dans la Défense passive, l’adolescent entre brutalement dans l’âge adulte. Secouriste au sein des équipes de la Croix-Rouge, il refuse l’exode : " Dans la Résistance, on avait le choix : quitter Brest, pour prendre les armes, ou rester utile sur place.
" De sauvetages en sauvetages, le jeune homme apprend l’horreur de la guerre. Les morts, les corps mutilés… Puis l’attente, dans l’impuissance du débarquement américain. Mais à quelques jours de la Libération, alors qu’il part en mission, le secouriste est touché par une balle perdue. Un projectile qui marque la fin de sa guerre. Ce n’est que quelques jours après la Libération que le jeune homme revient à Brest. Sa première visite sera pour l’abri Sadi Carnot, où tant de ses compagnons d’infortune ont péri : " Les pompiers dégageaient les corps. Un souvenir épouvantable ". Brest n’est alors plus " qu’un enchevêtrement de pierres et de ferrailles où l’on pouvait à peine circuler à pied ".
Mais " quand on a 20 ans, on repart. Pour nous tous, il n’était plus question de parler de tout ça… Nous avions trop souffert. "
Appareil photo en bandoulière, Bernard Holley fixera sur ses pellicules le film muet de la reconstruction, puis s’engagera dans la vie municipale et communautaire. A partir de 1983, il est de ceux qui militent pour le mémorial du Fort Montbarey.
La guerre, il n’en parle que rarement, sauf aux plus jeunes. " Une telle expérience vous apprend beaucoup sur le genre humain. Vous découvrez les gens, et savez ensuite qu’ils sont prêts à utiliser tous les moyens pour parvenir à leurs fins… "
La Défense Passive à Brest
Avant même le début des hostilités de septembre 1939, une véritable organisation de la Défense Passive avait été mise sur pied.
A Brest, une commission de la Défense Passive, présidée par le colonel Michel Scheidhaner, œuvrait dans deux domaines :
- la sensibilisation du problème de la D.P.
- la préparation d’un plan de protection de la population
La ville de Brest était divisée en secteurs.
Chaque secteur était découpé en îlots, auxquels étaient affectés les agents de la Défense Passive sous la responsabilité de chefs.
Les équipes de la Défense Passive étaient, si l’on excepte un petit nombre de volontaires, constituées d’agents requis par le préfet ou par le maire.
On pouvait les identifier grâce aux badges qu’ils portaient parfois.
Chaque agent avait une tache bien définie.
Déblaiement, liaison, incendie, secourisme, protection contre l’incendie … et se mobilisait de jour comme de nuit.
La mobilisation générale ayant été ordonnée le 1er septembre 1939, c'est à 3 heures 15 dans la nuit du 16 novembre que la première alerte est donnée par les sirènes de Brest.
Dès lors, elles vont se succéder sans beaucoup de répit pour la population.
Jusqu’en juin 1940, date de l’occupation, Brest à vécu les évènements d’assez loin.
Sensibilisé par la distribution des masques à gaz, on pressentait certes le danger.
Mais à part l’afflux de bateaux en rade et les mouvements de troupe embarquant pour la Norvège, elle ne se manifeste que par quelques attaques aériennes en juin 1940, à l’approche des armées allemandes.
La population Brestoise, bien informée, appliquait de son côté, les consignes de la Défense Passive en cas d’attaques.
Sable stocké et répandu sous les combles des maisons pour lutter contre les bombes incendiaires, mesure de limitation de l’éclairage, lumière à intensité réduite, occultation des portes et fenêtres, badigeon avec un lait de chaux, de plâtre ou d’argile les pièces de bois de charpentes …
Le port militaire connaît ses premières bombes le 14 juin 1940, l'aviation allemande prend en effet pour cible le Richelieu accosté dans le port.
A cette occasion, des maisons sont touchées rue Pierre Loti, à Recouvrance.
18 juin 1940 la ville est en ébullition dans une confusion totale.
C’est le spectacle d’une déroute sans nom avec un courant entrant et un autre sortant.
Celui des longues files de soldats anglais qui gagnent à pieds les quais d’embarquement après avoir abandonné et cassé leurs véhicules et leur matériel sur les routes d’accès à Brest.
Et celle de la population civile quittant la ville en utilisant tous les moyens à sa disposition.
C’est un défilé ininterrompu de cars et de voitures particulières qui emportent à l’extérieur tous ceux qui le peuvent.
La rade se vide de ses bateaux.
Ils prennent le large, régiments embarqués, en passant sous des torrents de fumées noires qui s’échappent des réservoirs et des maisons qui brûlent du côté de la maison Blanche et des Quatre Pompes.
Le mercredi 19 juin 1940 les troupes allemandes font leur entrée dans le Finistère.
A 9h45, elles se trouvent à Morlaix.
Trois colonnes motorisées se dirigent vers Brest, objectif stratégique majeur.
Un violent engagement à lieu à Landerneau où un groupe de marins livre un «baroud d’honneur». Mais toute résistance est vouée à l’échec.
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9 septembre1944 le drame de l'abri Sadi Carnot...
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Entrée actuelle de l'abri Sadi Carnot à Brest, sous le pont de Recouvrance en 2003. Porte Tourville.
Le soir du 8 septembre 1944 Roland André obtient du lieutenant commandant, l'autorisation de se rendre compte si l'immeuble qu'il habite au 2 rue Marcellin Berthelot existe encore afin d'y récupérer du linge. Il rejoindra à l'abri Sadi Carnot ses camarades de planton.
A 02h40, dans la nuit il revient à l'arsenal, complètement traumatisé, portant des blessures à la figure, aux mains ainsi qu'au ventre, déclarant que l'abri qu' il vient de quitter est en feu après une forte explosion.
Ne pouvant avoir de renseignements plus précis, vu son affolement, et après avoir délibéré avec les commandants Michaud et Toul (ce dernier commandant des marins-pompiers), il est décidé que deux sapeurs seraient envoyés en reconnaissance, accompagnés de deux soldats allemands (interdiction nous étant faite de circuler entre 22h00 et 07h00).
A 02h55, je pars avec le sapeur Pondaven accompagnés de deux soldats allemands. Nous quittons l'abri par le n° 65 de la rue Louis Pasteur, sous une violente canonnade.
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