Ce wagonnet surmonté de deux croix ou silhouettes humaines de tôles rouillées interpelle le promeneur.
Cette évocation de la Shoah est l'oeuvre d'un artiste israélien, Ygael Tumarkin.
« Cette sculpture, dans le jardin de Brest au-dessus de la mer, rappellera à chaque génération le combat qu'il faudra mener encore longtemps pour la paix ».
C'est par ces mots que Pierre Maille inaugure la sculpture « Calvaire de Brest acier », le 3 novembre 1989.
En haut du cours Dajot, le square Beautemps-Beaupré qui domine le port de commerce offre une vue imprenable sur la rade. C'est dans ce jardin qu'a été élevé ce wagonnet surmonté de deux croix et de silhouettes humaines qui évoque les victimes de la déportation lors de la Seconde Guerre mondiale.
Son auteur est Ygael Tumarkin. Né en 1933 à Dresde, en Allemagne, ce peintre et sculpteur a émigré dès l'âge de deux ans en Palestine, accompagné de ses parents.
Après un service militaire dans la marine israélienne, il étudie la sculpture à Ein Hod, un village d'artistes au pied du mont Carmel. En 1955, il déménage pour vivre en Allemagne, où il travaille comme artiste-designer au théâtre Berliner Ensemble de Bertolt Brecht.
Il reviendra s'installer en Israël en 1970. Ygael Tumarkin séjourne à Brest entre le 23 octobre et le 3 novembre 1989, dans le cadre d'une rétrospective de son oeuvre.
C'est lors de ce séjour qu'il réalise cette sculpture et l'offre à la ville.
Afin de réaliser l'oeuvre, Tumarkin a sollicité de nombreuses structures : la Sobreda pour la tôle, la SCNF de Brest pour les rails et traverses, la CCI pour cinq morceaux de ferraille et EGMO pour la chaîne.
Une pyramide renversée place Rabin à Tel Aviv
Âgé d'aujourd'hui de 83 ans, il est devenu célèbre dans le monde entier avec la réalisation d'une pyramide renversée sur elle-même en fer rouillé et installée en 1975 sur la place centrale de Tel Aviv (place Rabin), déjà en mémoire de la Shoah.
En 2004, il a remporté le prix Israël, la distinction la plus prestigieuse décernée chaque année par l'État d'Israël à des personnalités israéliennes ou à des organisations ayant marqué l'année d'un point de vue artistique, culturel ou scientifique.
La carrière d'Ygael Tumarkin est internationale, avec des expositions et installations un peu partout dans le monde. L'écrivain français Michel Tournier, décédé en 2016, était l'un de ses amis. « Tumarkin n'aime pas la guerre.
Il ne la montre pas fraîche et joyeuse, mais au contraire hideuse et scatologique... Il puise dynamisme et créativité dans tous nos récents désastres », a-t-il écrit dans « Le Tabor et le Sinaï », son essai sur l'art contemporain.
A quand une plaque de reconnaissance ?
Si elle bénéficie d'un joli promontoire, l'oeuvre brestoise n'est ni signée ni expliquée. Ce que déplore Yvon Pichavant.
« Il est dommage qu'il ne soit pas accordé plus d'égards à ce monument, tant pour le sculpteur que pour son oeuvre », indique ce militant de l'Université européenne de la Paix, qui milite donc pour l'installation d'une plaque explicative devant le wagonnet.
Dans le cadre de notre série des mystères de Brest, Sébastien Carney, maître de conférences en histoire contemporaine à l'Université de Bretagne occidentale, a répondu à quelques questions sur la déportation à Brest.
Sait-on combien de Brestois ont été déportés durant la Seconde Guerre mondiale ? « Il est difficile de savoir exactement combien de Brestois ont été déportés pendant la guerre. Depuis 1959 et la Statistique de la déportation dans le Finistère, on essaye d'établir des listes, qui s'allongent au gré de l'exhumation d'archives ou de témoignages.
Dans un mémoire de master soutenu à Brest en 2008 (« Sociologie de la déportation dans le Nord-Finistère, 1940-1945 »), Marie Disarbois propose le chiffre de 242 déportés pour la ville de Brest. Il s'agissait surtout de jeunes gens (20-29 ans), majoritairement des ouvriers et fonctionnaires liés à l'arsenal.
La plupart d'entre eux ont été envoyés à Buchenwald, Natzweiler, Neuengamme ou d'autres camps de travail. Un peu moins de la moitié d'entre eux ne sont pas revenus. Ce que l'on sait moins, c'est qu'il y a eu des Juifs d'Europe de l'Est déportés vers Brest pour travailler à la construction de la base sous-marine. On ne sait rien d'eux, la recherche reste à faire ».
La collaboration a-t-elle été importante à Brest ? « La collaboration politique a été anecdotique sur Brest. Les partis collaborationnistes (MSR, PPF, PNB surtout) n'ont séduit que très peu de personnes. En revanche, du fait de l'organisation Todt et des chantiers menés dans la région dans le cadre du mur de l'Atlantique, la collaboration économique a trouvé à Brest un débouché important dans le BTP (bâtiment et travaux publics) ».
La répression des forces allemandes a-t-elle été importante à la suite des actions de la Résistance ? « La Résistance est, à Brest, le principal motif de déportation ; viennent ensuite les altercations avec l'occupant, les droits communs, les réfractaires au Service du travail obligatoire (STO), puis les persécutions contre les Juifs (au moins six Juifs de Brest furent déportés), un seul franc-maçon, un seul Tsigane, qui fut arrêté non pas parce qu'il était tsigane, mais parce qu'il était réfractaire au STO.
Mais Brest n'a pas connu de rafles comme celle qui a eu lieu à Morlaix en décembre 1943, quand 60 otages furent fusillés ».
La mémoire de la Déportation est-elle toujours vivace à Brest ? « Ce monument n'est pas très connu, en effet. Mais il s'agit d'une oeuvre d'art évoquant la déportation, et non d'un monument commémoratif spécialement dédié au souvenir de cette dernière.
Un tel monument existe : il se trouve au cimetière de Kerfautras et est dédié aux déportés et fusillés du Finistère morts pour la France.
Il y a également, au fort Montbarey, un ancien wagon qui a servi à la déportation. Malgré cela, la mémoire de la Déportation est peu visible à Brest, car le trauma de la ville se situe ailleurs, dans sa destruction partielle et le refoulement de cette dernière lors de la reconstruction. C'est dans les écoles que la mémoire de la déportation est entretenue, notamment par le concours de la Résistance et de la déportation ».
C'est un monument aux victimes de la Déportation Ouest-France Brest 15/06/2017
Un wagonnet sur des rails surmonté de deux croix ou silhouettes humaines de tôles rouillées pour rappeler l'horreur de la Déportation. |
Ce wagonnet stylisé et rouillé est l'oeuvre d'un artiste israélien. Son origine a été redécouverte presque par hasard, à l'occasion d'une rendez-vous de l'Université européenne de la paix.
L'histoire
La question est arrivée de façon totalement inattendue... C'était le 8 mai, lors de la traditionnelle randonnée pour la Paix organisée par l'université européenne de la Paix.
La petite troupe se trouve au square Beautemps-Beaupré, au-dessus du port de commerce, le long de la rampe Salaün-Penquer. Et là, les regards s'arrêtent sur un monument étrange, raconte Yvon Pichavant, de l'UEP...
Une sculpture offerte à la ville
Ce monument, tous les Brestois l'ont vu, sans s'y arrêter. « En métal, situé face à la rade au bas du jardin, il ne porte aucune indication ni plaque commémorative renseignant le passant », résume Yvon Pichavant.
En passant rapidement, on pourrait croire qu'il se rapporte aux voies de chemin du port de commerce. Eh bien pas du tout !
« Après recherches, il s'avère que cette sculpture a été offerte à la ville de Brest par le sculpteur israélien Ygal Tumarkin, explique Yvon Pichavant.
Elle évoque les victimes de la Déportation lors de la Seconde Guerre mondiale: un wagonnet sur des rails, surmonté de deux croix ou silhouettes humaines de tôles rouillées. »
L'artiste est aussi l'auteur du monument érigé sur la place centrale de Tel-Aviv en mémoire de la Shoah.
Après cette découverte, les membres de l'UEP, regrettent qu'il « ne soit pas accordé plus d'égards à ce monument, tant pour le sculpteur que pour son oeuvre ».
Il est exact qu'une petite plaque explicative doit être de l'ordre du possible. Message transmis en tout cas.