Rue George-Sand, l’une des plaques intimant au souvenir des heures sombres. (Le Télégramme/Steven Le Roy)
Tous les mercredis de l’été, l’office du tourisme propose une balade à la découverte de Brest sous l’Occupation. Le départ est donné, à 15 h, place de la Liberté, et conduit notamment jusqu’à l’abri Sadi-Carnot.
Le déluge de feu. Ce Brest dont il ne restait rien. Ce moignon qui gratte plus de 70 ans après. Ce n’est pas peu dire la nécessaire obligation faite à l’office du tourisme, dans le cadre des balades urbaines, de retourner dans les heures sombres à la lueur de ce qu’il reste sur terre et à l’éclairage de ce que l’on sait. Et ce n’est jamais rien de retourner dans l’artère, vers l’enfer de l’abri Sadi-Carnot, symbole glacé du martyre éternel de cette ville sous les bombes alliées et dans le bruit vif du bruit des bottes cadençant, au pas de l’oie, le quotidien des affamés. Il faudra juste imaginer, dans le discours subtil et érudit de Mireille, la guide, plus de cinq ans d’Occupation, plus de 30 000 Allemands dans la ville, dès les premières heures du drame absolu de l’Histoire contemporaine. Elle raconte tout. Le 19 juin 1940, l’expulsion du maire Le Gorgeu qui avait refusé les pleins pouvoirs au régime du Maréchal Pétain, la délégation spéciale menée par Victor Eusen.
Et elle amène le groupe. Devant l’hôtel Continental et la légende du groupe Ely, qui, dès 1940, harassait l’occupant et fut décimé à la suite d’un attentat dans l’hôtel, qui fait aujourd’hui débat auprès des historiens. Près de la gare et de sa stèle aux francs-tireurs qui ont payé cher. Sur le cours Dajot où, au loin, se devinent la base sous-marine, l’Île Ronde et ses ducs d’Albe devant attendre le « Bismark », la presqu’île de Crozon où vivait tante Yvonne, résistante de renom.
Un abri pour mémoire
Et puis. Il y a cette entrée froide et sombre, ce crève-cœur dès le pas-de-porte franchi. Que l’on soit un né-natif ou un touriste en promenade, personne ne peut rester insensible à l’abri Sadi-Carnot, à son histoire, à sa topographie, à sa mythologie hélas réelle. Devant les touristes, le boyau qui court sur 300 m et où Allemands et derniers Brestois se partageaient (mal) l’inconfort absolu du lieu pendant la bataille de la Libération. Comme une exhortation au « plus jamais ça », comme un mausolée à celles et ceux qui ont péri dans la folie des hommes, et spécialement un soir de septembre 1944 et dont personne n’a jamais reconnu les corps, calcinés retrouvés des jours après. Comme un totem essentiel de ce Brest dont il ne reste rien, si ce n’est ces deux heures de promenade essentielles dans les vestiges du jour.