Alexia, Margaux, Aleksandra et Rona, élèves concernées. (Le Télégramme / Steven Le Roy)
Charles Paperon, résistant, une rose à la main. Pour se souvenir, encore et toujours. (Le Télégramme / Steven Le Roy)
Les collégiens et lycéens de l'Harteloire ont plongé dans la thématique de l'année dédiée aux FFI. (Le Télégramme / Steven Le Roy)
Une plaque pour l'éternité d'un héros local. (Le Télégramme / Steven Le Roy)
Les élèves ont entonné le magnifique « Nacht und Nabel », de Jean Ferrat. (Le Télégramme / Steven Le Roy)
Une plaque pour l'éternité d'un héros local. (Le Télégramme / Steven Le Roy)
Il y a 76 ans, dans un immeuble parisien, le conseil national de la Résistance se réunissait pour la première fois sous la houlette de Jean Moulin. 76 ans plus tard, au pied d’un immeuble brestois, des collégiens et lycéens de l’Harteloire ont rendu hommage à Mathieu Donnart, chef des FFI du Finistère.
Les voix claires sont parties dans le ciel d’un printemps naissant au lendemain des élections européennes. Des voix juvéniles scandant les mots de Jean Ferrat et de son « Nacht und Nebel » (Nuit et brouillard) où les milliers, les vingt et cents vivent pour l’éternité sans ne plus jamais déchirer la nuit de leurs ongles battants. Devant eux, une brassée de fleurs souligne la plaque que l’on croise sans voir, célébrant l’endroit où vécut Mathieu Donnart, héros finistérien de la Résistance. Devant eux, figures résistantes tutélaires émues, Charles Paperon et Étienne Pengam, survivants de l’époque noire, écoutent le chant, dans un silence qui force le respect. À quelques heures du raout attendu des autorités pour marquer la journée nationale de la Résistance, environ 80 collégiens et lycéens de l’Harteloire ont pris les devants en se plantant au pied de cet immeuble anonyme de la rue Jean-Jaurès, où un Mathieu Donnart de marbre regarde passer la foule.
Une fois de plus, leur prof d’histoire Michel Madec et l’historien incollable Gildas Priol ont réussi leur coup, en agrégeant cette jeunesse au nécessaire devoir de mémoire qui doit animer la République, à l’heure de célébrer ses héros. Les différentes associations d’anciens combattants, dont l’Anacr, ont emboîté le pas pour cette première cérémonie ponctuée d’interventions rappelant cette Résistance, entrée au fronton de l’Histoire. « Dans le monde d’aujourd’hui, la Résistance a tout son sens », milite Michel Madec. « Dans la vie de tous les jours, on peut être ce grain de sable qui favorise les valeurs de l’humanisme quand elles sont vacillantes ». Et d’insister : « L’école publique, ce ne sont pas que des mots mais des perches pour la vie au quotidien. Dans cette logique, les idées portées par le Conseil national de la Résistance ont du sens ».
« Vous m’avez arraché des larmes »
Sur le trottoir, à l’issue de la petite cérémonie pour Mathieu Donnart, ce colonel Poussin torturé, bafoué, humilié puis tué par l’occupant, des élèves expliquent la portée de leur geste. Élève en première ES, Alexia, Margaux, Aleksandra et Rona estiment « que c’est important ce que nous faisons là. Nous passons devant cette plaque régulièrement et on ne s’arrêtait jamais, parce qu’on ne la voyait pas ou qu’on ne la connaissait pas. Avec l’aide de notre prof, nous avons pris conscience ». Parce que tout ça s’éloigne dans les familles. « On n’en parle pas avec nos parents, avec nos grands-parents, parfois » et que le retour du totalitarisme n’est pas exclu de la réflexion des lycéennes. « Avec ce qui se passe ces temps-ci, on ne sait jamais, développe Aleksandra qui poursuit. Sans les Résistants, nous n’aurions pas la vie que nous avons aujourd’hui. Il n’y aurait pas eu la Libération et personne ne peut dire ce qu’il serait advenu ».
Gildas Priol s’est approché du groupe et a enrichi l’histoire. « Le 14 juillet 1950, la rue était noire de monde lorsque la plaque a été posée sur l’immeuble. Le général Audibert a remis la médaille de la Résistance avec rosette, une distinction très rare, au fils de Mathieu Donnart qui avait alors 16 ans ». Convalescent en 2019, il n’aura hélas pas pu assister à ce moment en suspension, à l’endroit même où il était plus d’un demi-siècle auparavant pour l’hommage à son père, ce héros. Il n’aura pas non plus entendu, dans l’auditorium du lycée, Anne Friand de l’Anacr, « née à l’heure allemande en 1943 », montrer sa ville en ruine sur une photo d’enfance et dire aux lycéens : « Vous m’avez arraché des larmes ». Il y a des hommages et des souvenirs qui marquent. Pour l’éternité.