Edgard DE BORTOLI
CEREMONIE DES FUSILLES DE JUIN 44
CIMETIERE DE LESCONIL LE 21 JUIN 2014
Madame, Monsieur. Chers amis, chers camarades
Bonjour et bienvenue - Merci de votre présence
Tout d’abord je tiens à rappeler ici, en ce 21 juin 2014 où nous rendons hommage à nos camarades "Morts pour la France" en juin 44, que l’année dernière 2013, qui fut le 70ème anniversaire de la création du Conseil National de la Résistance, le 27 mai 1943, a été enfin reconnue officiellement pour la première fois par l’Etat comme étant désormais la "Journée Nationale de la Résistance".
Ceci après 25 années de lutte de notre association, l’ANACR. Lutte à laquelle notre équipe du sud Finistère, sous la présidence de nos regrettés Jean Louis LE PAPE puis d’Alain MADEC, a contribué de son mieux. Ainsi, comme il est écrit dans la loi du 19 juillet 2013,
"Dans le cadre de cette journée anniversaire, les établissements du second degré sont invités à organiser des actions éducatives visant à assurer la transmission des valeurs de la Résistance et celles portées par le Programme du Conseil National de la Résistance". Voila
Dans la suite logique de cette décision, 4 Résistants connus et respectés, 2 femmes et 2 hommes ont été désignés par le Président de la République pour entrer au Panthéon : Germaine Tillon, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Pierre Brossolette et Jean Zay.
Roland Le Fur, a eu l’honneur de prononcer en tant que Président de notre Association, l’allocution de l’ANACR, mardi 27 mai devant le monument aux morts de Plobannalec et je l’en remercie.
Ces 2 décisions, 27 mai officiel et Panthéon, expriment le respect et la reconnaissance que l’Etat accorde enfin concrètement désormais à la Résistance intérieure française et à son rôle dans la libération du pays de la barbarie nazie, et dans sa reconstruction après-guerre.
- Cependant, depuis la fin de la guerre 39/45, des voix incessantes, malveillantes et délétères se sont acharnées à calomnier, à dénigrer voire à caricaturer ceux qui ont été l’honneur de notre pays, parmi lesquels les combattants que nous honorons ici aujourd’hui, et ça fait mal, très mal. Au mieux, pour ces négationnistes, la Résistance avait été inutile, et au pire elle avait été nuisible pour le pays. D’autres maintenant, plus imaginatifs, par une subtile rhétorique, tentent de nous faire croire à un combat de l’Hermine contre la Croix gammée *. Ceci alors que les vrais Résistants, qui pour l’immense majorité ne sont plus là pour répondre, avaient non seulement comme ennemis mortels la Wehrmacht, les SS, la Gestapo, l’Abwehr mais aussi les policiers et gendarmes au service de Vichy, la Milice de Pétain, les nombreux mouchard et délateurs de toute sorte et je dirai … surtout les groupes paramilitaires des nationalistes bretons émargeant pour beaucoup sur les registres de la Gestapo et dont certains n’ont pas hésité à endosser l’uniforme SS.
- Ceci dit, j’en reviens à Juin 1944, terrible mois de juin 1944 en terre bigoudène. 70 ans déjà se sont écoulés après ce drame inoubliable que pleurent encore beaucoup de familles bigoudènes. Ce drame nous devons l’ancrer dans les mémoires, pour toujours car "il faut se souvenir du passé pour ne pas avoir à le revivre".
Depuis 70 ans. 70 années ou des milliers et des milliers de personnes se sont rassemblées ici même, venues de Lesconil, de Plobannalec, mais aussi d’ailleurs, et même de très loin, unies dans le même souvenir, la même émotion, de révolte, d’admiration et de respect pour le sort de ces hommes . Avec une seule pensée : nous n’oublions pas le sacrifice de ces hommes inhumés ici, qui ont donné leur vie pour la France.
Je dirai en paraphrasant une phrase célèbre que, "tant que nous nommerons ces morts ici, tous les ans, ils ne sont pas perdus pour la mémoire des peuples".
Oui, je vous nomme :
- Antoine Volant 22 ans assassiné à Kervéol le 9 juin 1944
- Yves Volant 30 ans assassiné en traversant le Ster le 9 juin 1944 – père de notre ami Gérard, de Michelle et Suzane
Et puis les 2 groupes de martyrs, fusillés à la Torche.
D’abord le 15 juin :
- Corentin le Béchennec 24 ans – Père de notre ami Jean Paul
- Yves Biger 17 ans
- Jean Marie Cadiou 36 ans – Père de notre amie Germaine et Laurie DCD
- Pierre Daniel 37 ans – Père de notre amie Danielle
- Georges Donnard 22 ans
- Lucien Durand 21 ans
- Yves Quemener 20 ans
- Joseph Trebern 21 ans
- Ange Trébern 19 ans
Et puis huit jours plus tard, le 23 juin :
- Albert Larzul 22 ans
- Armand Primot 19 ans
– Prosper Quemener 21 ans
– Etienne Cariou 42 ans – Père de notre amie Mimie DCD
- Jean-Corentin Divanac’h 30 ans – Grand père de notre ami Gwennaêl
– Julien Faou 42 ans – Père notre amie Annick, Hélène et Julien DCD
Dix-sept hommes, dix-sept patriotes Morts pour la France, dix-sept Résistants assassinés par les troupes hitlériennes les 9 juin, 15 juin et 23 juin, quelques semaines avant le départ des "bandits hitlériens" du Pays Bigouden (comme il est indiqué sur la stèle de la Torche, lieu de leur exécution …).
Les récentes cérémonies à Tulle et à Oradour nous ont rappelé à quel degré d’inhumanité de barbarie étaient parvenues les troupes allemandes d’occupation sentant la défaite inéluctable.
Notre cérémonie d’aujourd’hui rend un hommage particulier à nos fusillés de juin 44. Mais nous n’oublions pas les autres victimes de la barbarie dont les noms figurent aussi sur cette stèle. Et nous pensons aussi à toutes les innombrables autres Résistants qui sont tombés en criant "Vive la France".
Le Finistère, haut lieu de la Résistance en France, a payé un lourd tribut dans la victoire contre le nazisme. C’est ainsi que, dans le classement géographique du nombre de décorés dans l’Ordre de la Libération, donnant le titre de Compagnon de la Libérations (Une quinzaine de survivants sur 1038), le Finistère, avec 47 Compagnons est classé 2ème, derrière Paris (136). Ensuite 3ème les Bouches-du-Rhône (24), 4ème la Meurthe-et-Moselle (20), 4ème la Gironde (19) …
Il y a trois jours, mercredi dernier 18 juin, était célébré le 74ème anniversaire de l’appel d’un général inconnu à l’époque, Charles de Gaulle. Cette date est la "Journée nationale commémorative de l’appel historique du Général de Gaulle à refuser la défaite et à poursuivre le combat contre l’ennemi".
Cet appel comporte des mots que nous ne devons pas oublier parce que tout à fait transposables aujourd’hui :
“La France a perdu une bataille mais la France n’a pas perdu la guerre’’
“Quoiqu’il arrive, la flamme de la Résistance ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas’’
Quatre années de guerre plus tard, Radio-Londres émettait le 5 juin en fin d’après-midi ce message destiné à la Résistance :
"Les sanglots longs des violons de l’automne
Blessent mon cœur d’une langueur monotone,
Je répète…etc".
Ces paroles de Paul Verlaine, émises par Radio-Londres étaient le signal tant attendu en France par la Résistance, signifiant que le débarquement Allié en Normandie se ferait dans les heures suivantes. C’était le feu vert de l’insurrection nationale contre les forces d’occupation allemandes et de leurs alliés collaborationnistes de Vichy. En fait ce fut la nuit suivante que commença la plus grande opération militaire conjuguée maritime, aérienne et terrestre de tous les temps. Le mot d’ordre était clair : appliquer le Programme du CNR dès l’annonce du débarquement en Normandie. L’Etat-major des FFI devait immédiatement je cite : "Donner ordre à toutes les formations des FFI de combattre dès maintenant l’ennemi en harcelant ses troupes, en paralysant ses transports, ses communications et ses productions de guerre, en capturant ses dépôts d’armes et de munitions afin d’en pourvoir les patriotes encore désarmés "
Je suis sûr que nos Résistants, qui devaient mourir pour la France quelques semaines plus tard, sans connaître les joies de la capitulation allemande un an plus tard, avaient ces phrases en tête et avaient conscience du combat qu’on leur demandait pour aider les troupes alliées de Normandie. Ils relevèrent le défi jusqu’au sacrifice de leur vie.
Ils nous ont transmis aussi un message : plus jamais ça, plus jamais de guerre, de dictature, de barbarie, de haine des autres, plus jamais de fascismes. Colette NOLL, notre Résistante, Internée et Déportée lesconiloise, , décédée en octobre dernier nous a transmis comme message :
"Respecter la liberté des peuples, rejeter toute guerre quelle qu’elle soit car ce sont toujours les innocents qui paient, combattre pour la paix et la compréhension entre les peuples"
Pour que cette flamme de la Résistance ne s’éteigne pas, pour qu’on n’oublie pas même si depuis on a pardonné, il faut que les cérémonies comme celle d’aujourd’hui, comme celles qui se sont déroulées en cette année du 70ème anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence, non seulement se perpétuent, mais aussi se développent et que de plus en plus de jeunes s’y intéressent et y participent.
Car plus que jamais nous devons rester vigilants et entretenir la flamme de la Résistance. Le combat contre la bête immonde, contre les fascismes, ne s’est pas terminé le 8 mai 45 avec la capitulation sans conditions des armées allemandes. Il exige de nous tous, comme l’a si bien dit Stéphane Hessel, lucidité, vigilance et engagement. Et non indifférence ou pire, soumission. Pour cela nous disposons de l’exemple magnifique du combat de nos aînés et du programme plus que jamais d’actualité qu’ils nous ont laissé en héritage, intitulé "Les Jours Heureux". Nous leur devons un immense respect, une immense reconnaissance.
Pour terminer, je tiens à remercier la municipalité précédente qui a toujours agi loyalement avec notre Association ANACR pour l’organisation des cérémonies patriotiques.
Merci à la nouvelle municipalité qui a pris le relais avec la même bonne volonté et a montré aujourd’hui sa capacité à organiser, comme vous avez pu le constater, une cérémonie digne du 70ème anniversaire.
Merci à vous tous
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