-ANACR du FINISTÈRE-


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Pierre Quéré
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Le texte écrit et lu par la petite fille de Pierre Quéré le samedi 27 juillet dernier
lors de l'inauguration d'une place au nom de ce Résistant, à Plouhinec.
"Regard d'une jeune femme "de la construction européenne" sur notre histoire"

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Cérémonie d'inauguration de la place Pierre Quéré

Discours de Mélanie Alexandre

Bonjour à toutes et à tous, merci d'être venus partager avec nous cet instant. Cet hommage rendu à l'engagement de notre grand-père dans la Résistance nous touche beaucoup.

Je suis Mélanie Alexandre, j'ai 26 ans et je suis la petite-fille de Pierre Quéré.

J'ai la chance d'appartenir à une génération de privilégiés, une génération qui n'a pas eu à affronter de guerre sur le territoire français. Nous n'avons pas connu la violence des combats ni de l'occupation, ni celle des pénuries, ni celle de la faim, nous n'avons pas connu cette peur pour nos proches ou pour notre propre survie, nous n'avons pas grandi dans l'absence de parents disparus ou morts pendant la guerre.
Et contrairement à nos parents nous n'avons pas non plus accompli de service militaire.

L'armée s'est professionnalisée. Aujourd'hui le sens de l'appel sous les drapeaux ou de la Résistance sont des valeurs héroïques, qui inspirent le respect, mais sont en fait très éloignées de notre quotidien, de nos préoccupations.

Nous avons la chance d'être les enfants de cette construction européenne que nous devons à ces générations qui ont su dépasser la violence subie au profit de la paix. L'Europe aujourd'hui ce sont les partenaires de l'Union Economique Européenne, ce sont les partenaires du célèbre programme Erasmus d'échange universitaire pour les étudiants.

Dans le cadre de mes études j'ai ainsi eu la chance de vivre en colocation avec Stefie, une Allemande, Makoto, un Japonais, et Alberto, un Italien. Il est difficile pour nous de concevoir que nos voisins et partenaires d'aujourd'hui aient pu être nos ennemis d'hier.

Mon grand-père a répondu à l'appel du 18 juin du Général de Gaulle et il était lui-même fils d'officier d'infanterie coloniale, blessé lors de la Première Guerre mondiale, médaillé et mort pour la France, alors que Pierre avait à peine 3 ans.

J'ai la chance d'avoir connu un grand-père qui nous racontait un passé incarné, la guerre telle que lui l'avait vécue. En général il préférait les anecdotes amusantes aux plus sombres, il est d'ailleurs toujours resté très discret sur les épisodes plus difficiles. Je me souviens par exemple qu'il riait aux éclats en racontant les nuits passées à dormir caché derrière la tombe de Guesno [Guessno] dans le cimetière d'Audierne, ou en se rappelant les "Amerloques" - comme il les appelait - qui avaient l'habitude de mettre leurs pieds sur les tables.

Il nous racontait aussi comment il avait dû pendant 6 mois se déguiser en femme pour échapper à la Gestapo. Et nous avons en fait appris bien plus tard, après sa mort, qu'il le faisait dans le but non pas simplement de se cacher mais de continuer à transmettre des informations à son Réseau de Résistants.

Cette génération de Résistants et de Justes a joué un rôle essentiel pour nous offre cette paix d'aujourd'hui. Cette mémoire vivante s'éteint aujourd'hui petit à petit. Son vécu appartient à l'histoire des livres mais il se dématérialise, il s'éloigne de nous. Une mémoire vivante c'est se souvenir qu'il y avait des visages, des personnalités, des caractères, des parcours de vie, de la particularité derrière les statistiques et les faits généraux des livres d'histoire.

Car l'histoire se fait aussi de petites choses qui assemblées toutes ensemble créent les destins des nations. Le combat de ces Résistants et ces Justes ne doit jamais être oublié.

"Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre" disait Winston Churchill.

Alors une place, une plaque, c'est évidemment un très bel hommage. Mais c'est surtout inscrire dans le marbre de notre quotidien, dans ce qui nous entoure, des morceaux d'histoire. Pour ne pas oublier. Je vois par exemple le lycée Jean Moulin à côté, dont le nom rend hommage à l'un des plus illustres de nos Résistants, et je me dis que ces jeunes lycéens et ceux qui les suivront seront encouragés à garder à l'esprit l'importance de la transmission de l'esprit de Résistance, des valeurs qu'elle incarne, des hommes et des femmes qui l'ont portée.

Comme l'a dit le Général de Gaulle – que mon grand-père admirait beaucoup – un 24 juin 1940 sur la radio de Londres
"Il faut qu'il y ait un idéal. Il faut qu'il y ait une espérance. Il faut que quelque part, brille et brûle la flamme de la Résistance française".


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Mélanie Alexandre a rendu hommage à son grand-père, Pierre Quéré.

La place Pierre-Quéré a été inaugurée, hier, à Poulgoazec, en présence de nombreux représentants du monde militaire, d'anciens combattants et résistants, de membres de la famille de Pierre Quéré, dont ses petits enfants et sa fille Christine. Parmi les anciens résistants, figurait Georges Le Bail, qui a permis à Pierre Quéré d'échapper aux Allemands.
« La commune honore le nom de Pierre Quéré et toute la Résistance du Cap-Sizun », a déclaré le responsable quimpérois des anciens de la Résistance, Jean Le Bloc'h.
La place est située à 20 m de la maison natale de Pierre Quéré, et proche du lycée Jean-Moulin. « Tout un symbole », relève le maire, Jean-Claude Hamon.
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