Combats de Lesven en 1944 : « Ça tirait de partout »
LE TELEGRAMME du 22 août 2019
Publié le 22 août 2019
ANNE POIRÉ
Mis en ligne le 23 août 2019Jean Sergent, maire honoraire et doyen de la commune de Beuzec-Cap-Sizun, avait 21 ans en 1944. Il habitait au hameau de Kervigoudou où se sont déroulés la majorité des combats auxquels il a donc assisté.
Le 26 août 1944, des combats se sont déroulés près de Lesven à Beuzec-Cap-Sizun entre forces allemandes et résistants. Jean Sergent, doyen de la commune, 21 ans à l’époque, vivait dans l’une des deux fermes du hameau de Kervigoudou, théâtre de la bataille, qui surplombe la crique de Lesven. Il témoigne.
Le 25 août, 200 soldats allemands et une cinquantaine de blessés quittent Lezongar à Esquibien pour la côte nord du Cap-Sizun afin de gagner Brest par bateau. « On savait que les Allemands venaient, ils avaient réquisitionné cultivateurs et charrettes. On savait aussi que les résistants voulaient attaquer. Avec mon frère on est allés voir dans le champ d’à côté qui surplombe la plage.
Il y avait un bateau pas loin, ils commençaient à embarquer. On s’est dit ils vont embarquer, et puis c’est tout », raconte Jean Sergent. Mais à minuit, claque le premier coup de feu. Les FFI, « quelques gars de Beuzec », viennent d’attaquer. Un feu incessant s’abattra jusqu’en fin d’après-midi. Seule une petite vingtaine de blessés allemands sera évacuée par mer vers Brest dans la nuit.
Les estivants profitent aujourd’hui de la petite crique de Lesven où, dans la nuit du 25 au 26 août 1944, quelque 250 Allemands tentèrent de fuir vers la presqu’île de Crozon en face pour rejoindre Brest. Attaquée par la Résistance, ce qui mena aux combats de Lesven, seule une petite vingtaine de blessés put être évacuée.
« Au-dessus de la plage, il y a un rocher qu’on appelle Karreg ar gad (rocher du lièvre), c’est de là qu’ils ont tiré en premier. Ce n’était pas très malin, il fallait remonter à découvert, le premier talus était à plus de quinze mètres ! », fait remarquer le Beuzecois. Un FFI d’Esquibien est mortellement touché. Les Allemands ripostent et montent vers Lesven. Clet Gourmelen, « un vieux crapouillou, comme il le disait lui-même » n’aimait pas les Allemands, « quand ils ont voulu rentrer chez lui, il s’y est opposé et ils l’ont tué. Un coup de crosse sûrement, je l’ai vu après, il avait la tête fracassée ». Deux fermes sont incendiées. L’ennemi se dirige vers Kervigoudou. Placé en hauteur, dominant la crique, le hameau permet de contrôler les alentours. Blessés et commandement s’installent dans la ferme de la famille Mens, voisine de celle des Sergent.
On n’avait pas vraiment peur, à cet âge on n’est pas vraiment conscient
« Au départ, il n’y avait pas beaucoup de résistants, heureusement les Allemands ne s’en sont pas rendu compte », continue le doyen âgé de 96 ans.Jean et son frère serviront de boucliers humains
Vers 10 h du matin, Jean et son frère vont apporter du foin aux vaches, « on continuait notre travail », et se font prendre par les Allemands, ils serviront de boucliers humains. « Ils ne nous ont pas mis à l’abri, les balles venaient jusqu’à nous continuellement. Je les vois encore passer près de ma tête. On n’avait pas vraiment peur, à cet âge on n’est pas vraiment conscient ».
La ferme de la famille Sergent au village de Kervigoudou où les Allemands avaient pris position lors des combats de Lesven le 26 août 1944.
Entre talus et chemins creux, les combats sont difficiles. « Les Allemands se cachaient derrière un mur d’enceinte de la ferme. Et les FFI du coin, c’était des jeunes inorganisés qui n’avaient pas fait le service. On en voyait avancer en plein champ alors que le talus était à dix mètres. Vers midi un Allemand en a descendu quatre ou cinq comme ça. L’un d’eux a sauvé sa peau en se camouflant contre un cadavre ».
Quelques heures plus tard, vers 15 h, « ma mère est venue demander au commandant de nous laisser manger un morceau à la ferme. On n’avait rien pris depuis le matin. Il a envoyé un jeune soldat, très gentil, pour nous garder. Ma mère avait fait des crêpes, il a mangé avec nous. Quand le combat a été terminé, il a posé son fusil sur la table, comme ça. Il avait compris que c’était fini ».
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Bonjour,
Une cérémonie initiée par Douarnenez - Poullan -sur-Mer, Beuzec-Cap-Sizun s'est déroulée le 26 août 2019.
Le Télégramme a bien fait paraître les différentes cérémonie du souvenir.
Cordialement,
YVES MAZO