-ANACR du FINISTÈRE-


LE TELEGRAMME DU 2 AVRIL 2009

Shoah. Sur les traces de la famille Perper

L'auteur et comédien Julien Simon et la vidéaste Marie Dault enquêtent sur la famille Perper. Arrêtée en 1942 à Plounéour-Ménez, elle fut victime de la Shoah. À la recherche de nouveaux témoignages et indices, ils organisent une rencontre-débat amicale, dimanche à Brasparts.
1935: Ihil Perper, 27 ans, son épouse Sonia, 23ans, et Rosine, leur fillette de trois ans, s'installent à Brasparts. Juifs, originaires de Bessarabie (actuelle Ukraine), ils ont fait leurs études à Nancy: de médecine pour lui, de pharmacie pour elle. Le Dr Perper a lu dans la presse spécialisée qu'on recherchait un médecin à Brasparts. En s'y établissant avec sa famille, il devient le premier praticien à exercer dans la commune des monts d'Arrée. La famille s'agrandit: Odette naît à Brest, en 1937, puis Paul, à Plounéour-Ménez, en 1942.
Médecins étrangers interdits
Lorsque le benjamin voit le jour, tout a déjà basculé. Deux ans plus tôt, le gouvernement de Vichy a interdit aux médecins étrangers d'exercer en France. De dérogations en dérogations, le Dr Perper continue quand même à prodiguer ses soins dans une zone allant de Briec-de-l'Odet à Morlaix. Octobre1942: répondant dans l'heure à un ordre de la Kommandantur, deux gendarmes français de Pleyber-Christ s'emparent de la famille Perper, à Plounéour-Ménez. C'est ce qu'on appellera «la seconde rafle de Bretagne». Après une nuit d'incarcération à la gendarmerie de Morlaix, le couple et ses trois enfants sont dirigés sur Rennes puis Drancy, où ils restent six mois. Mars1943: ils sont déportés au camp d'extermination de Sobibor, en Pologne, où ils sont «assassinés», pour reprendre le mot de Julien Simon. Une chape d'oubli tombe alors sur leur existence.
«La vie comme la vie»
Auteur et comédien, le Trégorois Julien Simon explore la mémoire et ses dénis pour la restituer sous la forme de spectacles. On lui doit le passionnant «Comme un ange après temps de misère» (1990), construit à partir de lettres d'un soldat breton pris dans les guerres de la République et napoléoniennes. Il a également créé «Un drôle de silence» (2004), sur les appelés de la guerre d'Algérie. Toujours convaincu que le théâtre doit participer aux «remontées de mémoire», Julien Simon voulait consacrer un travail à la France sous Vichy. La lecture du livre de Marie-Noëlle Postic, «Sur les traces d'une famille juive en Bretagne» (Coop Breizh), l'a mis sur la piste des Perper. Depuis plus d'un an, avec sa complice vidéaste Marie Dault, il essaie de «dresser un portrait en absence de cette famille, pour la ramener dans l'humanité». «Nous cherchons à collecter toutes les traces et empreintes qui ont "enveloppé" ces vies brèves, pour les restituer dans un second temps dans un dispositif mêlant théâtre et images qui s'appellera "La vie comme la vie"». Habités par leur quête, Julien Simon et Marie Dault sont partis à la rencontre des lieux, de témoins et d'indices, en 2008, en Bessarabie. La vidéaste a effectué la même démarche à Nancy et Drancy. En explorant cette période sombre de notre Histoire, les deux artistes ne cherchent pas «à juger ou dénoncer, mais à comprendre pour mieux préparer l'avenir».
Dimanche à Brasparts
Leur recherche de traces de la famille Perper vivra une étape très importante dimanche prochain, à Brasparts. Julien Simon et Marie Dault invitent, à 14h30 à la salle des fêtes, toutes les personnes détentrices de documents, aussi infimes soient-ils, sur cette famille ou cette période, ou tout simplement intéressées par leur travail. Ils présenteront leur projet «La vie pour la vie». La Cinémathèque de Bretagne diffusera des films de l'époque. Des témoins parleront de la famille Perper et l'on pourra débattre autour des cafés, crêpes et boissons fraîches offerts.
    * Frédéric Jambon